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REVUE LITTÉRAIRE

NOUVEAUX COMMENTAIRES DE TACITE[1]

Autrefois, la critique universitaire avait, je ne dis pas la superstition, mais la religion de l’antiquité. Nos vieux professeurs aimaient tout des Latins et des Grecs. C’était au moins leur excuse : et, quand ils pleuraient de joie sur des vers d’Homère ou de Virgile, nous leur pardonnions les journées un peu mornes que leur enseignement nous valait. Puis, de temps en temps, ils nous persuadaient et nous amenaient à leur sentiment. La nouvelle critique universitaire a beaucoup plus de liberté. Elle n’est pas du tout superstitieuse ; et, religieuse, elle ne l’est presque pas. Elle admire encore les écrivains de l’antiquité ; mais elle les admire avec discernement : elle les admire moins.

Par exemple, voici M. Fabia qui, de Tacite, a fait son étude zélée et, pour ainsi dire, acharnée. Il nous avertit qu’on estime généralement Tacite « au-dessus de sa véritable valeur. » Quelle est donc la véritable valeur de Tacite ? Celle d’un historien « médiocre » et qui « ne gagne pas toujours à être relu souvent et de près. » Sans doute, il a du mérite littéraire : mais, son mérite littéraire, il le doit à ses devanciers, prosateurs ou poètes », à Virgile, à Salluste, à Sénèque et surtout à Pline l’Ancien… C’est dommage d’arriver, après une étude patiente et longue, à trouver que Pline l’Ancien vous déprécie Tacite !… Je n’ai pas lu M. Fabia ; je le résume d’après M. Edmond Courbaud. Tacite aurait, en somme, reproduit le modèle qu’il avait choisi ; et il emprunterait à ce modèle « avec la matière la forme » et « avec le fait l’expression. » Alors, demande M. Courbaud, comment pouvez-vous avouer que le style de Tacite soit « très original ? » Et

  1. Les procédés d’art de Tacite dans les « Histoires », par Edmond Courbaud, professeur adjoint à la Sorbonne (librairie Hachette).