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bout à l’autre de la Monarchie, il mettra maintenant tout en œuvre pour regagner ce qu’il a perdu. Et il voit dans une guerre victorieuse le seul et unique moyen de régner. Officiellement, il témoigne de l’amour aux Slaves ; mais ce n’est que pour les endormir dans une fausse sécurité pour avoir prise sur eux. En vérité, choses et gens ne sont à ses yeux que des gages qui doivent servir son ambition et assurer le trône à sa postérité. Quant à son serment, n’en parlons pas. Il ne sera pas le premier de sa maison à revenir sur sa parole, ni le premier monarque non plus !


Cependant que la Russie était ainsi menacée, elle ne soupçonnait rien du péril. Ses préoccupations étaient ailleurs. Quand l’auteur allait passer ses vacances dans la patrie de sa mère, elle la voyait tout occupée de réorganisation intérieure et de réformes. Il fallut l’alerte d’Agadir, en 1911, pour que l’Europe entr’ouvrit un œil au danger qui la menaçait, alors que les Puissances centrales se préparaient à l’agression depuis au moins dix ans et probablement plus.

L’auteur de ce livre, Hongroise de naissance, s’étonne avec raison du rôle que la Hongrie a joué, ou plutôt de celui qu’elle a manqué l’occasion de jouer, dans la grande crise mondiale.

En ces années 1903-1906, la situation était très tendue entre les deux parties de la double monarchie. La Cour n’était pas allée à Budapest depuis la mort de l’impératrice Elisabeth, ou n’y avait fait, en tout cas, que de très courtes apparitions. L’opposition, c’est-à-dire le parti Apponyi-Karolyi-Andrassy s’acharnait à obtenir la réalisation des promesses faites à la Hongrie en 1868, mais qui avaient été tacitement suspendues depuis. Elle-même, la jeune dame d’honneur, était suspecte aux Autrichiens comme Hongroise, ce qui voulait dire comme rebelle, et à ses amis hongrois comme inféodée à l’Autriche. Elle était pourtant de tout cœur avec les opposants, et avait même sur leur rôle éventuel dans la politique générale des illusions qu’elle garda jusqu’au 26 juillet 1914. Dans les semaines qui s’écoulèrent de l’ouverture de la crise à cette date, elle avait espéré beaucoup de l’attitude de son pays. L’archiduc assassiné avait été, s’il est possible, plus détesté en Hongrie que dans aucune autre partie de la monarchie. On pouvait donc espérer que cet État saurait discerner ses propres intérêts et se déclarer indépendant des machinations de sa vieille ennemie l’Autriche, qui avait, sans le consulter, a tel