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Mais, de même qu’il faut maudire la science stérile qui ne tourne pas à aimer, de même l’amour est dérisoire qui ne tend pas à nous rendre dignes de son objet. La meilleure façon pour la France d’aimer son armée, c’est de sauvegarder toujours les vertus qui la firent telle. Que nos pensées pieuses et fidèles aillent donc souvent réclamer ses leçons…

Armée douloureuse, que ta grande pitié nous enseigne la fécondité de la souffrance, la royauté du sacrifice et qu’il n’est pas de flamme si le bois n’accepte de se consumer ;

Armée de devoir, que Jeanne eût tant aimée, dévoue-nous au devoir, dont tu es la martyre ;

Armée tenace, donne-nous la volonté des longs efforts, condition des vastes desseins ;

Armée d’honneur, rappelle-nous toujours qu’il est, pour les peuples comme pour les individus, des raisons de vivre qui valent plus que la vie ;

Armée généreuse, garde-nous des mols abandons ;

Armée de justice et de liberté, sauvegarde en nous la vocation qui rendit la France si grande et qui a si souvent fait d’elle comme le drapeau du monde ;

Armée glorieuse de soldats ignorés, que la gloire de la patrie nous soit plus sensible que notre propre gloire ;

Armée fraternelle, que par toi veille en nous cette tendresse profonde qui, dédaigneuse des mots, fait risquer sa vie pour ses amis ; que, par ton souvenir, nous nous aimions dans la paix comme nous nous aimons dans la guerre ; que notre fraternité soutienne les faibles et surtout ceux qui te doivent leur faiblesse ; qu’elle soit ingénieuse ouvrière de justice ; qu’elle soit, non pas une tolérance, mais un respect ; qu’elle nous conserve toujours tout ce qu’elle t’a donné ;

Armée douloureuse, armée d’honneur, armée généreuse, armée fraternelle, élève-nous, fortifie-nous, garde-nous de nous-mêmes, continue à jamais de nous sauver et qu’ainsi vive la France par ta servitude et par ta grandeur !


VICTOR DILIGENT.