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l’ange. ! . » Nos soldats, à défaut de Pascal, eussent achevé l’expression…


En même temps qu’il défend le sol de la France, le soldat de notre guerre défend donc tout ensemble la foi due aux traités, la liberté des peuples et tout l’avenir du monde. Ainsi sa cause s’affirme la cause même de l’humanité… Use retrouve le descendant fidèle des aïeux dont les exploits faisaient dire : « Gesta Dei per Francos. » Il se rattache aux Croisés qui s’en allaient, par les mers hostiles vers le Tombeau du Christ, tenter une conquête que, dans un détour émouvant, cette guerre a su réaliser. Il réincarne l’âme des soldats de l’an II promenant à travers le monde leurs drapeaux et la liberté !…

… Car, toujours, toutes les justes plaintes nous trouvèrent fraternels, toutes les indépendances nous virent favorables et c’est de nous seulement que la Pologne opprimée pouvait dire que « Dieu était trop haut et la France trop loin. »

Et si, Français, nous doutions jamais de nous-mêmes, de notre passé, de notre avenir, qu’une voix étrangère nous chante notre rôle dans le monde… C’est Swinburne, dans sa Litanie des Nations, qui fait dire à la France, parlant à la Liberté :

« Je suis celle qui fut ton enseigne et ton porte-drapeau,

« Ta voix et ton cri ;

« Celle qui te lava de son sang et te laissa plus belle ; « Je suis celle-là, la même.

« Ne sont-ce pas là les mains qui t’ont relevée gisante et t’ont nourrie,

« Ces mains meurtries ?

« Ne suis-je pas la langue qui a parlé pour toi, l’œil qui t’a conduite ?

« Ne suis-je pas ton enfant ? »

… Nous défendant nous-mêmes, nous défendons toujours plus que nous-mêmes, et puisque, dans cette guerre encore, notre soldat sauvegarde, en même temps que la terre des ancêtres, tout le magnifique patrimoine nécessaire à la beauté du monde, il a le droit de redire le vers de Sully Prudhomme avec un sens que, s’il avait vécu ces sublimes années, le poète ne lui eût pas dénié :

Et plus je suis Français, plus je me sens humain.