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contenir cent otages. Ces baraquements étaient partagés en chambres, ou plutôt en compartiments pour six, douze, quatorze, vingt-deux et cinquante personnes. » L’hygiène est chose sacrée en Allemagne. On en parle avec respect, avec superstition. Quant à en appliquer les prescriptions, — du moins en ce qui concerne les camps de prisonniers, — c’est une autre affaire !

Les « otages » sont entassées dans une promiscuité abominable. Leurs lits étroitement serrés se touchent chevet à chevet. On n’y peut accéder que par le pied : « Pour gagner le mien, dit Mme V… je devais me couler, ramper à quatre pattes. Quand, enfin, j’y étais montée, force était de m’étendre immédiatement. Impossible de me tenir assise à cause de la couchette qui était au-dessus de la mienne. » L’emplacement est si exigu que les lits sont superposés. Ceux du bas, nous les avons baptisés : les « niches à chien, » ceux du haut : les « perchoirs. » On atteint à ceux-ci par une échelle. Généralement, ils furent attribués aux plus jeunes des captives. Cependant, des femmes âgées y couchèrent. Maladroites à se hisser, à gravir les échelons, plusieurs, à maintes reprises, tombèrent rudement sur le sol et se blessèrent grièvement. L’une d’elles, admise d’urgence au lazaret, y fut trois jours en danger.

« Niches à chien » ou « perchoirs, » le couchage ne comportait que deux couvertures et une paillasse épaisse de cinq centimètres, remplie soit de foin pourri, soit de papier, et dont l’enveloppe était grise de crasse. Pas de traversin ni d’oreiller, pas de draps. Qu’on songe à la somme de souffrances que de telles privations représentent, pour des femmes dont la plupart n’étaient plus jeunes et qui étaient habituées à des soins minutieux, raffinés ! Cantonnées dans leurs baraques, les prisonnières ne disposent que de quatre tables d’un mètre trente de long pour cinquante et d’un escabeau pour trois. Les deux tiers d’entre elles sont donc contraintes, pendant la journée, ou à se tenir debout ou à rester couchées : « Pour nos vêtements, nous sommes obligées de les accrocher où nous pouvons, aux fenêtres, à une planche qui fait saillie. Celles qui couchent dans les « Perchoirs » passent leurs affaires à celles qui occupent les « Niches à chien. » « Avec toutes ces nippes pendues, notre chambrée ressemble à un campement de romanichels. »