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reconnaître ce travail moi-même ; si j’y ai trouvé la mort, telle a été ma destinée, et je m’y rends avec moins de regret que je n’en aurais d’avoir manqué une seule occasion de service. »

Jusqu’au bout de son calvaire, il se tint constamment à cette hauteur de vues si admirable, ne cessant de prodiguer les exhortations et encouragements plutôt que souffrir d’en recevoir, enfin se montrant si parfaitement maître de lui, lucide et courageux, que tous ceux qui l’approchaient en étaient dans l’admiration. En cet état, il voulut que sa mort même fût un enseignement et que les souffrances qu’il endurait avec tant de fermeté ne demeurassent pas inutiles à ceux qui étaient admis à l’honneur de l’approcher. C’est ainsi qu’il exprima aux officiers et soldats de son régiment, qui l’étaient venus voir à Calais, toute sa satisfaction de les voir ; mais, en même temps, découvrant leur affliction, il trouva encore assez de courage pour leur dire : « Ne pleurez point, mes amis ; mais que l’exemple que vous avez en ma personne par l’état où vous me voyez fasse que vous soyez gens de bien et faisant votre devoir en servant le Roi ; l’un n’est pas incompatible avec l’autre. »

En cette extrémité, le Roi tint à cœur de donner au blessé les marques les plus éclatantes de sa satisfaction et de son attachement. De l’avis de Son Eminence, il décida d’élever le lieutenant-général à la dignité la plus haute de l’armée. Et, de même que Gassion avait été fait maréchal de France après Rocroi pour avoir aidé au duc d’Enghien, Castelnau, pour avoir donné à Turenne l’occasion de vaincre aux Dunes, fut porté à ce grade suprême.

Dans les lettres d’élévation au maréchalat qu’il signa à Mardick, en faveur de Castelnau, le vingtième jour de juin, l’an de grâce 1658 et, de son règne, le seizième, Louis, d’accord avec Le Tellier, son ministre de la Guerre, tint à cœur de proclamer qu’en l’état de son royaume il n’en voyait pas qui fût plus digne d’accéder à cette charge que son « très cher et bien amé le sieur marquis de Castelnau de Mauvissière, gouverneur de Brest, son lieutenant-général en l’armée des Flandres, et, en l’absence et sous l’autorité du vicomte de Turenne, son amé cousin. » En même temps, Louis (et par son ordre Le Tellier), après avoir énuméré les services considérables que Castelnau avait rendus, tant à lui « qu’au feu roy de glorieuse mémoire, son très honoré seigneur et père, » tint à exposer tout au long,