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pas revenus encore de surprise à voir Castelnau au milieu d’eux, la soubreveste ouverte, le chapeau au vent, l’arme au poing et si noir de poudre qu’on n’eût jamais dit que c’était là un lieutenant-général. En ce moment, les mousquetades arrivaient en sifflant un peu de tous les côtés ; le marquis de Castelnau en reçut deux dans ses armes ; il ne fut pas atteint ; et c’est lui, au contraire, qui toucha d’un coup bien dirigé le cheval du duc d’York.

À cette vue, si bien faite pour l’amener à se porter en avant, toute l’infanterie, comme soulevée de fureur guerrière, partit d’un seul bond. « Les gardes et les Suisses, dit Le Laboureur, qui avaient à leur, tête le comte de Soissons leur colonel, les régiments de Picardie, Turenne et de Bout du Bois, qui étaient à la première ligne de l’aile droite, commencèrent à combattre avec beaucoup de vigueur, doublement animés par leur valeur propre et par l’exemple du marquis de Castelnau. »

Comme il est vrai qu’il n’y a rien de plus contagieux que le courage, ce succès de Castelnau propagea partout tant d’émulation qu’il n’y avait plus, à la vérité, du côté des Français et des Anglais, ni aile droite, ni aile gauche, ni corps de bataille ; mais seulement une armée animée d’un même souffle, qui se battait sous un même chef, lequel, — selon les cas, — était tantôt Turenne et tantôt Castelnau. Il n’était pas midi que, du côté de Furnes et à droite des Dunes, un peu au-dessus des sables, on aperçut les enseignes orange et pourpre de don Juan et de Caracena, l’étendard de salin blanc frangé de soie de Monsieur le Prince s’éloigner en même temps que les derniers convois des Espagnols.

Pendant ce temps, M. de Turenne, entouré de ses drapeaux, suivi des officiers de sa maison, accompagné des marquis de Créqui et d’Humières, du sieur de Gadagne, du marquis de Castelnau et du comte de Schomberg tous lieutenants-généraux, continuait de parcourir ces vastes Dunes où la bataille s’était donnée. Le comte d’Auvergne, neveu de M. Turenne, qui s’était couvert de gloire, à la tête d’un bataillon, durant la charge de Castelnau, marchait non loin de son oncle. C’est lui qui ramassa le tambour d’un soldat sur lequel le maréchal eut la pensée de tracer en hâte cette lettre pour Mme de Turenne : « Je vous fais ce mot pour vous dire qu’il s’est passé aujourd’hui une fort belle action, dont il faut louer Dieu. Monsieur le Prince et