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Créqui, qui commandait l’aile droite, ne put tenir avec assez de fermeté pour briser la riposte ; ses premiers rangs fléchirent ; et, sans M. de Turenne, qui observait du haut des dunes et rétablit l’ordre en faisant intervenir, une fois de plus, les escadrons de Bussy, M. de Créqui était tourné, Condé passait au travers des rangs et se jetait bride abattue au-devant de Dunkerque auquel il portait secours. Les Suisses et les gardes françaises, soutenus par le canon que le sieur de Saint-Hilaire fit donner à propos, prêtèrent heureusement main-forte à Bussy. Il n’en fallut pas plus pour que la fortune se mit enfin du côté des Français.

Condé, défait, sa monture abattue, faillit bien être pris ; et ce n’est que grâce au dévouement de Meille, l’un de ses gentilshommes, qui se fit tuer pour lui, et de Groussoles, qui lui prêta son cheval, qu’il put échapper, l’épée au poing, et gagner Furnes. Un tel succès et sur un si grand prince témoigna, une fois de plus, de tout ce que la capacité, la fermeté et le solide jugement de M. de Turenne pouvaient tirer des circonstances les plus difficiles ; mais, cet illustre guerrier, en attribuant « généreusement à Castelnau le principal honneur[1] » de cette victoire témoigna assez hautement que celle-ci n’avait été rendue possible à l’aile droite que par la contenance vigoureuse avec laquelle le lieutenant-général s’était maintenu à l’aile gauche. Traquant, culbutant et poussant don Juan, non seulement en coupant sa retraite sur Lestrang, du côté de la mer, mais en chargeant de sa personne, à la tête des escadrons de l’Altesse et du Grand Maître, Castelnau avait mis les plus fières troupes d’Espagne, et les hidalgos au premier rang venus avec don Juan et Caracena, dans l’obligation de reculer, et cela dans le désordre le plus grand qu’on pût voir.

« Le marquis de Castelnau, dit à ce propos le compte rendu de la Gazette de France, mena son aile avec beaucoup de conduite et de courage. » La vérité est que le lieutenant-général avait d’abord pensé attaquer de front les Espagnols ; ce n’est que quand il se fut aperçu que ceux-ci n’étaient pas couverts du côté de Lestrang qu’il obliqua dans celle direction, « changeant, dit Pilet de la Mesnardière, son ordre de bataille

  1. Le Laboureur.