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le gouvernement de la Bassée ; mais cette récompense ne lui paraissant pas encore assez digne des services que Castelnau avait rendus à l’armée, le cardinal exigea qu’un poste plus important échût à ce brave des braves. Et, de même que, dans une circonstance aussi fameuse, le cardinal de Richelieu n’avait pas hésité à nommer Fabert gouverneur de Sedan, Mazarin ordonna que Castelnau fut nommé au gouvernement de Brest.

Tant de témoignages de considération, des distinctions aussi flatteuses n’eussent pas manqué d’éveiller, dans un cœur moins ferme, un monde d’ambitions ; mais, en M. de Castelnau, le caractère était si bien à la hauteur des talents qu’aucun succès, aucun triomphe et la gloire même n’étaient capables d’altérer l’éclat du mérite. En vérité, Castelnau, grand capitaine, était en cela de la nature de Turenne. Il était vertueux, « non, ainsi qu’a dit Fléchier, pour l’honneur, mais pour la justice qu’il y a de l’être. »Son portrait, à ce point de vue, ne serait pas achevé, si l’on ne venait dire à quel point ses mérites personnels aidaient à rehausser encore toutes ces belles qualités militaires.

Homme de grand sens, il avait de l’esprit autant qu’il en faut pour le commerce du monde : sa gaieté bienveillante adoucissait en cela ce que son courage eût présenté de trop hautain. Sa conversation était sobre, naturelle et même enjouée ; sa plaisanterie, sans être tout à fait « de bonne et grosse étoffe[1] » comme celle de Vauban, retenait par tout ce qu’on y découvrait de judicieux. Enfin, en un temps où la sociabilité était l’apanage des familles nobles, surtout de celles dont la souche robuste était dans la province, le marquis de Castelnau ne faillit jamais à l’observation de ses devoirs d’époux et de père.

En 1640, l’année du siège d’Aire, et celle où il porta secours en Allemagne à M. de Guébriant, il avait contracté mariage avec demoiselle Mario de Girard, fille de Pierre de Girard, seigneur de l’Espinay et de la Buzardière, conseiller et maître d’hôtel ordinaire du Roi et son gouverneur de la ville de Saint-Denis. De cette union était né, outre deux filles Marie-Magdeleine et Mario-Charlotte, un garçon nommé Michel comme son ancêtre et qui, comme celui-ci et comme son père, devint habile aux armes, soldat adroit et de rude trempe. Ainsi que son père et ses oncles, Michel de Castelnau devait, plus tard,

  1. Sainte-Beuve.