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un courrier à Paris pour informer Louis XIV. Selon le duc d’York, celui-ci n’hésita pas à prendre le parti de Castelnau. « Il adressa par retour, aux gardes françaises, l’ordre d’obéir au lieutenant-général et cet ordre arriva assez à temps pour que Vautourneux, montant de la tranchée une seconde fois, se trouvât soumis à l’autorité de M. de Castelnau. »

Cette autorité, cette rigueur dans le commandement était l’un des mérites principaux que le futur maréchal faisait éclater parmi tant d’autres. Il est vrai de dire que cet officier n’obtenait la subordination de ses lieutenants que par l’exemple que lui-même avait, durant toute sa vie, donné de cette subordination à des capitaines plus éprouvés ou plus anciens. Non seulement sous Monsieur le Prince à Fribourg et à Nordlingen, sous Turenne dans les Flandres, mais encore sous Guébriant durant la guerre d’Allemagne, sous La Meilleraye pendant celle de Guyenne, il témoigna de l’obéissance la plus scrupuleuse ; mais encore, il fit voir, tantôt sous l’Hospital, tantôt sous du Plessis ou sous Rantzau, que cette obéissance, bien entendue, n’est pas inconciliable avec une hardiesse pleine d’intelligence, un jugement personnel éclairé et cette sorte de vaillance à laquelle tout cède parce que rien ne peut lui faire obstacle.

Le futur duc de la Rochefoucauld, encore prince de Marsillac, avait vu M. de Castelnau, en 1646, combattre devant Mardick et se porter avec tant d’intrépidité à l’endroit le plus dangereux que c’est sans doute à lui, autant qu’à l’Achille d’Homère ou au Roland de l’Arioste qu’il a pensé longtemps après, en écrivant sur cette vertu des héros. C’est, dit en effet le moraliste des Maximes, par l’intrépidité que « les héros se maintiennent en un état paisible et conservent l’usage libre de leur raison dans les accidents les plus surprenants ou les plus terribles. »

La condition de l’intrépidité n’est pas dans le feu seul de l’âme ; mais encore, ce qu’exige cette vertu, c’est un calme supérieur, un jugement prompt à démêler le faible et le fort de l’ennemi, enfin, partout dans la guerre, une adroite disposition à profiter du moindre retard dans sa manœuvre, du plus petit relâchement dans sa conduite. Une sentinelle en défaut, une brèche mal gardée et qu’on attaque, une escalade tentée au prix de la vie, une charge désespérée menée en pleine bataille et que l’audace même fait réussir, voilà quelques-uns