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de Bayard, une scène pareille, pleine de tendresse et de gravité. C’est quand le gentil seigneur s’en va, pour la première fois, pour être page chez le duc de Savoie. Alors, on le revêt d’habits à merveille ; il monte, à francs étriers, sur « un bas et bon petit roussin ; » il est de la sorte charmant et mignon écuyer ; mais, tandis qu’il s’apprête à quitter le logis, sa « pauvre dame de mère est en une tour du château qui tendrement sanglote. » Les pères, encore qu’émus autant que les mères, font, dans de tels cas où l’honneur et le devoir commandent, taire leur secret chagrin. Celui de Bayard avait été homme d’armes ; pour celui de Jacques de Castelnau, nommé Jacques lui-même, il était capitaine d’une compagnie de chevau-légers. C’est dire assez ce que furent ces adieux où ce vieux guerrier, ferme et droit dans son sacrifice, offrit à son pays et à son Roi le troisième de ses enfants.

Jacques de Castelnau vînt-il de sa seigneurie à Paris, accompagné d’un serviteur, avec peu d’argent et beaucoup de conseils, comme il advint au petit Grammont ? De même que le jeune d’Artagnan, « le plumet sur l’oreille et le ruban de couleur à la cravate, » une petite épée au côté et faisant le damoiseau, s’attarda-t-il longtemps, sur la route d’Amboise à Vendôme, à recueillir, dans les auberges, les propos des soldats fort animés encore de la guerre des princes ? Cela, nous ne le savons pas ; mais, ce dont nous sommes informés, c’est que le jouvenceau, son voyage achevé, fut, sur sa bonne mine et la caution de son nom, accueilli au mieux, dans la rue Vieille-du-Temple, à l’Académie royale militaire, fondée par le roi Louis XIII pour les gentilshommes.

Cette Académie était la meilleure pépinière pour l’armée ; le cardinal l’avait dotée de plus de vingt mille livres en faveur des jeunes nobles sans fortune à qui leurs pères, — selon que Fontenelle l’a dit de Vauban, — n’avaient légué pour tout fief « qu’une bonne éducation et un mousquet. » Il ne faut pas croire cependant, et malgré la fiction, qu’il suffisait d’être noble pour recevoir à commander une compagnie ou un régiment ; un rude noviciat était encore exigé de ces jeunes gens. Mais qu’ils fussent pauvres ou riches, enfants de gentilshommes de campagne ou fils de princes, les élèves apprenaient dans cette école les rudiments du français, du latin, les mathématiques, la logique et un peu de morale ; on leur enseignait l’équitation,