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Juliette, a jamais durera ta mémoire ;
Car ton nom à jamais me suivra dans la gloire ;
Celle du grand René s’éclaire à ta beauté,

Et le siècle futur en voyant ton visage
Y mêlera toujours la fulgurante image
Du dieu qui t’emporta dans l’immortalité ! »


CAMILLE COROT


LA NATURE A COROT


« Je te donne les bois, les vallons et les plaines
Et le fleuve qui coule entre les prés herbeux
Et les ruisseaux et les sources et les fontaines
Et l’étang immobile où vont boire les bœufs,

Et je te donne aussi les saisons de la terre,
Le printemps qui s’azure entre les saules gris,
L’hiver, l’été où l’ombre est fraîche et désaltère
Et le royal automne en sang aux cieux meurtris ;

Je te donne les jours, les soirs et les aurores,
L’aube et le crépuscule et la brise et le vent,
Le frisson du matin dans les feuilles sonores
Et tout le ciel, le vaste ciel, le ciel vivant ;

Je te donne la fleur et l’herbe avec la branche,
La colline onduleuse et le lac apaisé
Et la brume légère où la nymphe est si blanche
Qu’elle s’évanouit dans l’air vaporisé,

Et je te donne aussi le visage des femmes
Et la fleur de leur bouche et le lac de leurs yeux
Et le secret subtil des lignes et des âmes
Et le rythme qui meut les corps harmonieux,

Puis je mets dans ton cœur la pureté sereine
Et le profond amour de toute la beauté,
Je fais ton œil magique et ta main souveraine
Pour que ton art soit rêve et soit réalité.