Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



JEAN-DOMINIQUE INGRES


INGRES ET LE SPHINX


Cet Œdipe, — debout au flanc du dur rocher, —
Dont le talon hardi sur l’os blanchi se pose
Et dont l’esprit résout l’énigme que lui pose
Le Sphinx cruel qui lui fit signe d’approcher,

Cet Œdipe attentif, et proche à le toucher
Du monstre aux yeux aigus et changeants dont nul n’ose
Deviner sans frémir le secret qu’il propose
Et qu’il faut, au-delà de son regard, chercher,

Cet Œdipe, n’est-ce pas toi qu’il symbolise,
O maître souverain de la forme précise,
Toi dont l’art immortel sait le secret des dieux,

Et n’est-ce pas ainsi que ta claire prunelle
Apprit, en regardant le Sphinx au fond des yeux,
Que la couleur n’est rien sans la ligne éternelle ?


JOSEPH CHINARD


LE BUSTE DE MADAME RECAMIER


Chateaubriand à Juliette :

« Juliette, un doigt souple a sculpté dans l’argile
Ce visage charmant qui de moi fut aimé
Et si pur que le Temps, devant lui désarmé,
En respecta la grâce éternelle et fragile ;

Car lui qui détruit tout d’une aile trop agile
Épargne quelquefois la fleur qui l’a charmé,
C’est ainsi que survit le prestige enfermé
Dans un vers amoureux de Dante ou de Virgile.