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Le parti de la guerre comprend les chefs de l’armée, les officiers de carrière, les hauts fonctionnaires, les grands propriétaires, les grands industriels et la majorité des intellectuels. Il dispose de toutes les forces et de toutes les ressources de l’Etat. Il est le maître de la plupart des journaux et impose silence à ceux qu’il n’a pu acheter, car la censure est à sa dévotion.

Le parti de la paix se compose des commerçants, des hommes d’affaires, des financiers et de quelques intellectuels a tendances pacifistes, — israélites ou catholiques. Il est suspect aux milieux officiels et éprouve d’insurmontables difficultés à s’organiser, à cause du disparate des éléments dont il est formé.

Entre ces deux groupes conscients de leurs intentions et de leurs desseins, flotte la masse du peuple allemand. Les paysans et les petits commerçants que la guerre enrichit, les ouvriers travaillant dans les industries de guerre sont favorables à une politique qui leur assure des gains et des salaires extraordinaires. Les petits employés, les petits rentiers, les femmes des mobilisés, les ouvriers qui n’ont pu s’employer dans les usines de guerre, souhaitent la fin des hostilités. Mais les sentiments de la foule varient selon les vicissitudes de la guerre et l’approvisionnement des marchés.

Ce qu’exigent les partisans de la guerre est très clair ; les grandes associations, agricoles et industrielles l’ont formulé dans leur requête au chancelier. Ils veulent des annexions et des indemnités. L’Allemagne doit se battre, tant qu’elle n’aura pas obtenu les unes et les autres aussi larges que possible. Seulement, du jour où ils ont vu naître un mouvement pour la paix, ils n’ont pu se contenter de proclamer leurs exigences en vertu du droit de conquête, et ils ont usé d’un argument nouveau ; ils disent à leurs contradicteurs : « Vous désirez la paix ? Nous aussi, nous la désirons ; mais le seul moyen de la conquérir est de poursuivre la guerre avec une énergie toujours plus grande. Plus nous occuperons de territoires, et plus nous aurons de gages entre les mains ; plus nous battrons nos ennemis, et plus tôt ceux-ci consentiront à traiter. La paix n’est ni à Stockholm, ni à Berne ; elle est à Londres, elle est à Paris. Nous sommes, nous, les vrais amis de la paix. » Chaque fois que ce thème revient dans les polémiques, on en peut