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chef de son cabinet civil Valentini, ami de Bethmann et ennemi de Tirpitz, permet que la réforme électorale soit encore ajournée, abandonne aux généraux la direction des conférences de Brest-Litowsk et la conduite de la guerre. Les dictateurs tolèrent seulement que Kühlmann reste à son poste ; quant à Hertling, ils le laissent continuer son double jeu, désormais inoffensif, car la puissance politique est maintenant entre leurs mains. Ils ont gagné leur cause devant l’Empereur. Mais l’ont-ils gagnée devant le peuple allemand ? — Pas encore.


LES GRÈVES DE JANVIER 1918

Les derniers jours de janvier, des grèves éclatent à Berlin et dans différentes parties de l’Empire. Les ouvriers d’un grand nombre d’usines de guerre abandonnent le travail. Des désordres se produisent dans les rues de la capitale.

Les causes de cette agitation sont diverses. C’est d’abord l’exemple des ouvriers viennois qui viennent de se mettre en grève et d’arracher à leur gouvernement la promesse de faire droit à toutes leurs exigences. C’est aussi le mécontentement provoqué par les injustices et les fraudes dans la répartition des vivres : une partie de la population des villes, qui souffre cruellement de la rareté et de la cherté des aliments, s’irrite de voir que les règlements sont violés quotidiennement, que certaines municipalités et certaines grandes entreprises industrielles, au mépris de la taxation, s’abouchent avec les producteurs et achètent des denrées à n’importe quel prix ; la publication d’un mémoire du conseil municipal de Neukœlln (un des quartiers de Berlin) où ces abus sont dénoncés, a causé un scandale terrible. C’est, par-dessus tout, le désir de la paix, d’une paix générale, et la volonté de protester contre le projet d’une nouvelle offensive.

Grâce à l’énergie de la police et au concours des socialistes majoritaires, le gouvernement vient facilement à bout des velléités révolutionnaires. La loi martiale est proclamée ; des minoritaires sont incarcérés. Mal dirigé et mal coordonné, le mouvement avorte, comme doit avorter tout mouvement de cette sorte dans un pays aussi décentralisé que l’Allemagne ; il n’en demeure pas moins que des ouvriers, par centaines de mille, se sont mis en grève dans une pensée politique, sans