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Les Américains ne peuvent entrer en ligne de compte pour combler la brèche du front italien ; les secours japonais étant encore beaucoup plus aléatoires, c’était donc par des prélèvements faits sur le front occidental que l’on pouvait venir au secours des Italiens. C’est la France qui, cette fois encore, paraît avoir puisé le plus largement dans ses réserves. (Le maréchal Haig se gardera probablement, vu la situation, d’étendre son front.)

L’équilibre est donc désormais détruit en notre faveur par l’augmentation des réserves dont disposent les Puissances centrales. Le « Mitteleuropa » a désormais, jusqu’à l’arrivée de la grande armée américaine annoncée et jusqu’au moment où elle pourra entrer en lice, une supériorité décisive, sinon au point de vue numérique, du moins à celui des réserves d’attaque disponibles. Or, les Puissances centrales, même dans les moments les plus durs de la guerre, ne sont pas restées passives ; elles ont au contraire donné à leurs campagnes un caractère constant d’activité. Leur liberté d’action stratégique et leur activité pourront être considérablement intensifiées dans la prochaine période de la guerre.

Mais où seront employées ces masses de réserves ?


Le rédacteur de la Frankfurter Zeitung écarte, pour des raisons diverses, l’hypothèse d’une action sur les fronts de Mésopotamie, de Syrie, de Macédoine, même d’Italie.

Nous arrivons enfin au front occidental, principal théâtre des opérations. La contre-attaque de Cambrai, que nous considérons comme un des événements militaires les plus marquants de cette année, et un de ceux qui feront le plus d’impression sur l’ennemi, a montré que seule la conception et la volonté d’une offensive ménageant ses forces nous ont empêchés d’anéantir la foi qu’ont les Anglais dans l’infaillibilité de leur méthode d’attaque et dans la possibilité d’expulser progressivement les Allemands de France et de Belgique. Hindenburg et Ludendorff croient qu’il est possible de porter un coup sur le front occidental. Mais ils connaissent également les limites imposées à la stratégie dans cette guerre des peuples.

La possibilité de porter un coup sur le front occidental, opération qui toucherait d’abord la France, et particulièrement la possibilité de frapper ce coup avant que les secours américains n’aient atteint une importance pratique réelle, voilà la meilleure preuve de la force inébranlable des positions allemandes…

L’acharnement que met la France à revendiquer l’Alsace-Lorraine nous révèle un grave danger. Les Français veulent nous arracher un lambeau de notre chair, et nous ne pouvons, nous ne pourrons