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peu à peu, ce sentiment a fait place, dans toutes les parties de l’Empire à une profonde indignation, qui maintenant éclate violemment contre l’insolence de l’hypocrite Américain… Le peuple allemand, d’une poigne plus ferme, serre plus résolument son épée… Un mouvement d’opinion s’est bien produit, comme le voulait le président ; seulement il n’est pas dirigé contre le militarisme prussien, mais contre l’ingérence de l’étranger. » (Schwäbischer Merkur, 19 septembre.) Ce mouvement, les pangermanistes se mettent aussitôt à l’exploiter. Les villes, les Chambres de commerce, les Ligues industrielles, les associations de journalistes, etc… envoient des adresses à l’Empereur pour protester contre les impudentes prétentions du Président.

C’est ainsi que peu à peu les bergers rassemblent leur troupeau. Mais celui-ci est toujours près de se débandera la première alerte et de suivre qui lui promet la paix pour demain.

Il faut recommencer calculs et statistiques pour démontrer que la guerre sous-marine est une bonne affaire et que l’heure approche où elle va enfin produire tous ses effets. Encore des calculs et des statistiques afin d’établir que l’armée américaine ne sera jamais un danger ! Chaque matin, il faut démentir de fausses nouvelles. Hindenburg et Ludendorff auraient, dit-on, avoué que l’Allemagne était à la veille de voir sa puissance militaire ruinée, ses ressources économiques épuisées, et Hindenburg est forcé de publier une protestation. Un jour, le bruit se répand que l’Angleterre est à bout, qu’elle veut, qu’elle demande la paix ; un autre jour, que la flotte anglaise a pénétré dans la Baltique, que Swinemunde est bombardé, que des équipages allemands se sont révoltés. Puis, ce sont les raids aériens qui jettent le trouble et la terreur dans la région du Rhin ; on raconte que de violents incendies ont éclaté à Fribourg, que des « centaines de morts » sont cachées au public. « Sans doute il est compréhensible qu’après trois ans de guerre, la résistance nerveuse ait subi un certain relâchement. Mais quand de tels racontars commencent à menacer la sécurité publique, à créer une atmosphère générale de nervosité, il y a lieu de réagir avec quelques jurons bien placés. Qu’on se saisisse donc de ces bavards qui prétendent tenir leurs renseignements de la tante de Fribourg dont, aujourd’hui même, ils viennent de recevoir une lettre, ou vous confient, avec l’air mystérieux d’un homme