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— groupés en associations de vétérans, — réclamer, au grand dépit des Prussiens, la précieuse décoration et l’arborer, de Clèves à Spire, avec une légitime ostentation.

Que, les charges étant si allègrement acceptées, et les bienfaits multipliés, les Rhénans se sentissent aussi Français que les Alsaciens et les Lorrains, leurs congénères, nous en avons cent témoignages. Dès 1809, le préfet de Coblence Lezay-Marnesia écrivait : « Je ne sais quel département serait plus français que le mien. » Mais le mot m’impressionne moins que l’attitude des départements à l’approche et à l’heure des grandes crises.

Catholiques, ils eussent pu être émus par la rupture de l’Empereur avec Rome qui, de Belgique en Vendée, ébranlait, de 1810 à 1813, bien des fidélités. Mais les relations s’étaient établies si cordiales entre l’administration et le clergé, la population, depuis qu’en 1802, les reliques avaient été rendues à Cologne et, en 1810, la Sainte-Robe à Trêves, considérait l’Empereur comme si éminent « restaurateur des autels, » les curés se tenaient pour si satisfaits de la restitution faite dès 1803 des biens des fabriques, que, tout en déplorant la lutte avec Pie VII, les Rhénans ne songeaient point à s’en faire un grief.

La rupture avec Rome n’ayant point détaché les catholiques, le grand mouvement de l’Allemagne en 1812 ne parut point produire plus d’effet en ces terres où depuis quatre siècles la langue allemande ayant fini par primer la romaine, la pensée allemande avait toute facilité pour pénétrer. Cela était d’autant plus remarquable que notre littérature classique défaillante ne pouvait, en toute justice, affronter le prestige de l’allemande, en ce moment unique de l’histoire littéraire de la Germanie où les œuvres de Kant, Schlegel, Lessing, Herder, Schiller et du plus grand de tous, le Rhénan Gœthe, brillaient d’un éclat tout neuf. Mais, de l’aveu de Perthes, en dehors d’un très petit cercle, ils n’étaient pas lus sur la rive gauche, et d’ailleurs ni Schiller ni Gœthe n’appartenaient au groupe de germanistes enragés où s’enrôlera Arndt.

Sans doute vers 1812, peut-on saisir un léger mouvement de fronde germaniste en ce petit cercle dont parle Perthes. C’est à ce moment que Joseph Görres se retourne contre la France avec toute la fougue d’un caractère altier et entier, libéral et républicain qu’exaspère la centralisation césarienne, âme de polémiste aux extrêmes fureurs qui, après avoir coiffé le bonnet