Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Cette journée vous donnera un gouvernement, une patrie qui vous manquent, » disait-elle à ses administrés, et, se tournant vers Paris : « Couronnez, écrivait-elle aux nouveaux Consuls, couronnez les vœux de milliers d’habitants… Les quatre départements cisrhénans sont géographiquement français, a dit Bonaparte. Le poste éminent que lui confie aujourd’huy la Nation le mettra à même de réaliser ce principe. » Görres fut député à Paris pour réclamer une fois de plus la réunion.

Bonaparte entendait bien qu’elle se fit ; mais il aimait bâtir sur des fondations solides et il prétendait bien ne la décréter que lorsque, par de nouvelles victoires, il aurait, cette fois sans arrière-pensée, arraché à l’Autriche, — et, par son intermédiaire, à l’Empire, — la reconnaissance des frontières naturelles.

Il était d’ailleurs si sûr de l’obtenir que, d’ores et déjà, il faisait bénéficier les départements rhénans de la forte organisation dont, promptement, il dotait la France. Shée était renvoyé sur les bords du Rhin pour y organiser les préfectures. Organisées, elles reçurent d’excellents titulaires ; choisis parmi des Français de l’Est, ils devaient mieux que personne se faire, tout à la fois, les représentants agréables du nouveau gouvernement et les avocats de leurs administrés à la race desquels, Alsaciens et Lorrains, ils appartenaient.

Alors, ayant tout préparé pour que l’événement s’accomplit sans heurts, avant, par ailleurs, imposé à l’Allemagne la reconnaissance formelle de la frontière du Rhin, Bonaparte décida la réunion. Le 8 ventôse an IX (9 mars 1801), les Consuls proposaient au Corps Législatif de voter la réunion des pays rhénans à la République. « Les quatre départements… disait le rapporteur Rœderer… méritent que la République ne diffère pas plus longtemps une adoption qui sera la récompense… de l’affection témoignée par la plus grande partie des habitants de la nation française. » Par 258 voix contre 1, le 18 ventôse, la réunion était votée.

Ainsi était réalisée la grande pensée de tant d’hommes d’Etat français depuis que, par un incroyable malentendu historique, le Rhin avait été dérobé à la Gaule francisée. L’héritage de César, de Clovis, du Charlemagne, revendiqué par tant de rois français, lentement et presque motte par motte reconquis depuis près de mille ans, retombait enfin tout entier entre