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ne l’entend point ainsi : les pauvres terres allemandes ne le satisfont point, et il revendique « sa part. » Charles est un pitoyable prince ; ce fils tard né d’un vieillard imbécile est un timide, Parce que petit-fils aîné de Charlemagne, Louis exige Aix-la-Chapelle et, avec Aix-la-Chapelle, presque toute la Lotharingie. Charles lui cède tout en ce traité de Mersen qui soudain jette sous le sceptre du roi de Germanie, avec le palais et le tombeau du grand Empereur, la possession de la rive gauche du Rhin, des vallées de la Meuse, de la Sarre, de la Moselle, de la Meurthe, de la Saône et la rive gauche du Rhône.

Tout d’abord, la combinaison ne paraît point si anormale. En cédant ces terres, pas un instant Charles ne pense les céder à la Germanie. Louis, trop fier de sa race pour la renier, ne s’intitule point roi de Germanie, mais, depuis qu’il règne, roi des Francs de l’Est. C’est en qualité d’aîné des petits-fils du grand Empereur franc que, prétendant d’ailleurs à l’Empire romain, il va régner sur Aix-la-Chapelle, Trêves, Coblence, Mayence, Strasbourg, Metz, Toul, Verdun, Bâle, Besançon, tout comme sur Lyon, Aix, Marseille. Et si ces villes, de ce fait, relèveront par la suite de l’Empire, ce n’est point d’un Empire germanique, mot alors inconnu, mais d’un Empire romain d’origine franque.

Mais Louis, — lorsqu’en 870 il reçoit à Mersen l’héritage de Lothaire, — règne depuis quarante ans en Germanie : il est Louis le Germanique. Ses premiers sujets ont été des Souabes, des Franconiens, des Thuringiens, des Bavarois, des Saxons que son grand-père a soumis, mais qui réagissent sur le petit-fils, — première revanche prise sur le grand aïeul. A la cour d’Aix-la-Chapelle, bientôt, margraves et burgraves d’Allemagne prévaudront, — presque tous d’origine franque, mais conquis déjà, suivant une loi connue, par leur conquête.

Lorsque Louis meurt, son fils, plus germanisé encore, lui succède sur ces terres. Les faibles descendants de Charlemagne qui règnent, cependant, à Paris, se débattent en de telles difficultés, qu’ils semblent incapables de disputer à leurs cousins d’Allemagne, avec le titre impérial, les terres lotharingiennes. Peu à peu, se fait la confusion entre le titre de Roi de Germanie et le titre d’Empereur romain. Un jour viendra où on ne dira pas seulement le Saint-Empire romain, mais le Saint-Empire romain germanique, — deux mots qui hurlent d’être