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sceau mystérieux qui s’imprime au front d’une race comme à celui d’un homme, devint, sous la famille de Mérovée, maîtresse des Gaules. On sait comment, en s’associant aux Romains, pour lutter contre Attila, elle s’était assuré droit de cité dans la Romanie, puis, se substituant au dernier et faible gouvernement qui, entre Somme et Loire, représentait encore l’Empire, s’était installée au cœur de la Gaule et, par la politique plus que par les armes, s’était imposée comme dominatrice : le monde gallo-latin désorienté, séparé de Rome par l’occupation burgonde et visigothe dans les vallées du Midi, s’était rallié autour de Clovis : elle l’avait élu son défenseur contre la Germanie et quand, ayant refoulé l’invasion des Alamans en Alsace, il s’était décidé à recevoir de Rémy le baptême catholique, il avait, par ce double geste, achevé de se constituer le chef des Gallo-Latins désemparés. Les évêques, — seuls guides des cités, — l’avaient alors prôné et en quelque sorte naturalisé Romain, il avait achevé sa tâche en chassant des Gaules ou en se soumettant Goths et Burgondes et reconstitué jusqu’aux Alpes et aux Pyrénées une Gaule où la vie romaine s’essayait à reprendre. Mais il n’avait pas un instant perdu de vue le Rhin et n’avait pas voulu mourir sans s’être assuré la possession incontestée de la rive gauche ; les Ripuaires s’étaient ralliés à son empire et il avait, à Cologne, posé sur sa tête la couronne de « roi de tous les Francs. »

Cette Rhénanie, berceau du nouvel empire des Gaules, devait lui être d’autant plus chère. Aussi bien, la défense contre la Germanie restant la mission essentielle de tout gouvernant des Gaules, c’était nécessairement ce pays de l’Est, cette Austrasie, qui devait apparaître comme le domaine mérovingien le plus précieux : il n’est pas étonnant que le partage paraissant nécessaire après la mort de Clovis, ce fut l’aîné de la famille, Théodoric, qui reçût la Garde au Rhin. Cette Gaule de l’Est comprit les vallées du Rhin, de la Moselle, de la Meuse, de l’Escaut, de la Haute-Marne, de l’Aisne, les portes de Gaule : Trêves, Spire, Worms, Mayence, Cologne, Strasbourg, étaient, au même titre que Reims, Châlons, Cambrai, villes de cette Francie dont Metz était la capitale.

La race des Francs s’est si promptement romanisée que l’opposition est complète, derechef, entre les deux rives. Imaginons-nous bien que ces quelques milliers de soldats francs