Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« correspondant badois » d’un journal suisse, les Basler Nachrichten, racontera que les Allemands n’ont pu livrer sur la Marne une bataille décisive faute de munitions, et parce que plusieurs corps d’armée venaient d’être rappelés dans l’Est : « Il s’agit, dit-il, d’un simple retour de la Marne jusqu’à des positions d’attente fortifiées d’avance… Au total, sur la Marne, une tentative décisive de l’armée française renforcée contre l’armée allemande affaiblie n’a pas abouti. » Ce ne fut qu’au printemps de 1916 que parut, pour la première fois, en Allemagne, un récit des opérations de septembre 1914 : De la bataille de la Marne à la chute d’Anvers par Anton Fendrich. Selon ce narrateur, toutes les armées allemandes étaient victorieuses, quand elles reçurent l’ordre de se retirer, mais cette manœuvre, à la fois stratégique et politique, avait été prévue et calculée ; elle s’accomplit dans un ordre admirable ; du reste, anéantir l’armée française et prendre Paris était une entreprise « surhumaine. » On peut dire que le public allemand ignora pendant un an et demi la bataille de la Marne, et, quand il l’apprit, voilà tout ce qu’il en sut. Cette méthode ayant réussi à l’Etat-Major, il n’est pas surprenant qu’il ait ensuite dissimulé sous les apparences d’une « défensive-offensive » l’échec de sa tentative sur Calais. Désormais, l’épreuve était faite : il était certain que l’opinion ne lui marchanderait jamais sa confiance, il pouvait tout se permettre. Il s’est tout permis, et l’opinion l’a suivi. L’idée que l’Allemagne put être vaincue ne devait pas effleurer l’esprit d’un Allemand.

Tels sont les quatre articles de foi qui soutiendront l’Allemagne et lui feront accepter les lenteurs imprévues de la guerre, la gêne, la disette.


LES HAINES UE L’ALLEMAGNE

En même temps qu’elle se représente ainsi son rôle et son avenir, elle va, une fois pour toutes, se formuler à elle-même le sentiment que lui inspire chacun de ses ennemis.

Contre l’Angleterre, sa haine est sans bornes. Ce peuple de marchands, ce peuple d’hypocrites est un « vampire, » le « régisseur de la guerre mondiale, » l’âme du « complot diabolique » ourdi contre la pacifique Allemagne. On l’anéantira. On l’affamera. La guerre sous-marine lui fera ployer les