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vote des crédits de guerre cessait d’être une obligation stricte pour les élus du parti.


V

Les sectaires et les énergumènes ne sont heureusement pas les maîtres du monde, comme ils le sont momentanément en Russie. Les destinées de l’humanité ne sont point livrées aux disciples et à la progéniture de Karl Marx. Ce que ceux-ci n’avaient pas su ou voulu comprendre, les dirigeants des Alliés l’ont discerné : au fur et à mesure que les leçons leur venaient du front oriental, les éclaircissements de Berlin ou de Vienne, leur politique s’est affermie, précisée, coordonnée dans le sens où elle peut justement devenir, pendant et après la guerre, la plus péremptoire et la plus déterminante, non pas seulement pour amener la paix, mais surtout pour asseoir celle-ci sur des bases solides et durables.

Nous ne suivrons certes pas, dans la succession des messages si fortement pensés et si prudemment pesés du président. Wilson, des discours si inspirés et si généreux de M. Lloyd George, des allocutions si finement dosées de M. Balfour, les étapes et les nuances de leur pensée ou, si l’on peut dire, la lente cristallisation de leur volonté finale.

Un seul des hommes d’Etat exerçant déjà le pouvoir en 1914, et le détenant encore aujourd’hui, a eu une vision nette de l’avenir, ou, si d’autres l’ont eue, un seul a su l’exprimer publiquement. Celui-là était socialiste, mais socialiste des antipodes, ce qui rend apparemment plus habile à se former une conception synthétique des événements, plus audacieux aussi à la publier : il s’agit de M. Hughes, le premier ministre australien. Or donc, lors d’un séjour prolongé qu’il fit en Angleterre au début de la guerre, M. Hughes énonça en divers discours ces deux vérités primordiales : quoi qu’il advienne, le monde sortira très pauvre de ce cataclysme universel, et, quoi qu’on fasse, il n’est d’autre moyen de mater l’ennemi que de lui faire perdre radicalement l’illusion qu’il pourra recommencer à s’enrichir aux frais et dépens de qui n’est pas allemand.

Peu s’en fallut tout d’abord qu’on n’accusât M. Hughes d’être un visionnaire fanatique, totalement dénué de pondération d’esprit et de tact de langage. Comment admettre un seul instant en effet que la société universelle, si merveilleusement