Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tels sont les faits dans toute leur simplicité ; telle a été l’application pratique, une fois l’ennemi désarmé, de la formule « ni annexion ni indemnités, » celle aussi du programme de liberté et de paix économiques. Il faut voir maintenant comment ces faits et cette application ont été acceptés par les diverses fractions de l’opinion allemande. Un retour en arrière est ici nécessaire.


III

La fameuse résolution du Reichstag avait tout aussitôt déterminé une grande agitation du leader catholique Erzberger. Dans une interview qu’il accorda au début de septembre au journal hongrois Az Est, il s’efforça de démontrer qu’on était bien près de s’entendre, puisque aussi bien le président Wilson et le Reichstag étaient d’accord sur les points essentiels : limitation réciproque des armements, arbitrage international, renonciation à toute indemnité de guerre, refus de morceler aucun pays et condamnation de toute guerre économique. Mais il n’y avait là que des mots sonores, des intentions trompeuses : sitôt que quelque publiciste prétendait préciser et parler par exemple de la Belgique ou de l’Alsace, M. Erzberger et ses émules se dérobaient discrètement.

Quant aux socialistes allemands, ils étaient moins maniables encore que les ultramontains. C’est presque au même moment, en octobre pour préciser, qu’eurent lieu deux de leurs réunions officielles. A Berne, où les syndicalistes teutons, dirigés par Legien, avaient vainement tenté d’amener des camarades alliés et où ils ne rencontrèrent que quelques neutres, on se proclama incompétent pour « discuter la question de la faute des peuples et de leurs gouvernements dans la guerre et ses conséquences ; » puis, surtout préoccupé d’amener le prolétariat universel à procurer la conclusion d’une paix prochaine, on plaça parmi les revendications essentielles le droit, pour les États, d’empêcher l’immigration de travailleurs « ayant un degré de civilisation inférieure, » ce qui était un excellent