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Les bolcheviks ont pris soin de qualifier eux-mêmes de pareils arrangements. « La paix dite amiable est réellement une paix annexionniste et impérialiste, » proclame la déclara-lion officielle de leurs plénipotentiaires, au moment de la signature des actes de Brest-Litovsk. Elle est « déshonorante, » ajoute la résolution, non moins officielle, des soviets qui l’ont ratifiée le 16 mars.

Décidée à n’évacuer les territoires laissés à la Russie qu’après conclusion de la paix générale, l’Allemagne s’empressa à parfaire son œuvre. Vis-à-vis de la Pologne « indépendante, » dont on ne savait trop si elle serait placée sous un condominium austro-allemand, ou si l’un seulement des deux alliés en assumerait le contrôle, l’Allemagne a pris soin, par un arrangement secret, de s’assurer le concours des bolcheviks pour s’annexer le district houiller de la Dombrowa. Et, quant à l’ensemble de la Vieille-Russie, elle obtint de ses amis bolcheviks l’engagement d’en exclure les hommes d’affaires et les capitaux de l’Entente.

Pour la Roumanie, ce fut, si possible, encore plus topique : après la cession directe ou indirecte de la Dobroudja à la Bulgarie et celle de cent soixante-dix villages roumains à la Hongrie ; après des stipulations à peu près identiques aux précédentes relativement aux relations commerciales générales, deux questions ont été traitées à part et ont reçu des solutions caractéristiques. Pour s’assurer des produits agricoles, l’armée d’occupation avait signé avec des propriétaires des baux à long terme qui ont été sanctionnés par le traité de paix, et des règlements pénaux ont été édictés par elle en vue de rendre obligatoire le travail de la population mâle de quatorze à soixante ans. D’autre part, [tour mettre la main sur la production pétrolière, une société désignée par les Puissances centrales aura désormais le monopole des recherches, celui de l’exploitation, celui du retour des concessions en cours après leur expiration ; une autre société, avec 75 pour 100 de capital austro-allemand, jouira du monopole de la vente des huiles minérales à des prix fixés souverainement par elle et sans le moindre contrôle de l’Etat roumain[1]

  1. Au témoignage, de la Gazette populaire de Leipzig, il est improbable que ce système, si savant soit-il, eût procuré à l’Allemagne tout le pétrole dont elle a besoin, au cas où les huiles d’Amérique continueraient à lui manquer. En 1912 en effet, sur une importation totale de 795 000 tonnes de pétrole brut, 617 000 lui venaient des États-Unis, 127 000 de Galicie, 30 000 de Russie, 22 500 de Roumanie ; celle-ci fournissait, de plus, 17 500 tonnes d’essence sur 198 000. Il est douteux, disait le journal, que la Roumanie puisse couvrir la moitié de ces besoins.