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dont l’attitude exerce une influence capitale sur les sentiments du pays et sur les résultats des futures élections… Pendant la guerre, l’expérience a montré que l’officieuse Nouvelle Correspondance patronnée par le gouvernement n’était pas un instrument suffisant… » et le ministre annonçait la fondation d’un Bureau central pour la presse allemande, qui fournirait aux journaux de province des informations abondantes et des articles judicieux. « Le texte de ces correspondances, ajoutait-il, sera soumis à la surveillance et à l’énergique influence de mes représentants… » Ces façons pur trop cyniques ayant causé quelque scandale, le ministre recula ou feignit de reculer. Son bureau n’en continua pas moins de fonctionner.

La censure militaire n’empêcha la publication ni de cette circulaire « confidentielle, » ni des critiques dont les socialistes l’accompagnèrent. Elle jugeait sans doute superflu le zèle de ce fonctionnaire qui se mêlait d’administrer l’opinion, besogne qui était dévolue aux militaires et dont ils s’acquittaient mieux que personne.

C’est au Ministère de la Guerre, à Berlin, qu’est établi le principal service chargé de veiller au bon moral du peuple. En octobre 1917, il comprenait cent officiers ; depuis, le nombre a encore augmenté. Ils indiquent aux journalistes les thèmes à développer et ceux à éviter. Souvent ils rédigent eux-mêmes des articles non seulement militaires, mais aussi politiques. Ils composent des homélies patriotiques, des exhortations à la patience, des diatribes contre les socialistes, voire contre le Reichstag. Tous ces morceaux de littérature pangermaniste paraissent dans les journaux de province et sont ainsi tirés à des centaines de mille d’exemplaires. Les officiers du « bureau militaire » publient également des brochures populaires et des livres de propagande. L’un d’eux, le major Olberg, est l’auteur du Petit livre des tranchées pour le peuple allemand, où la prolongation de la guerre est imputée à des « économies irréfléchies » et à un « entêtement doctrinaire, » — allusion transparente au Parlement.

Le Ministre de l’Intérieur et celui de la Guerre ne sont pas les seuls à posséder des « bureaux de presse. » Un service analogue fonctionne dans chaque ministère et dans chacun des grands offices créés pour le ravitaillement de l’Empire. Il s’ensuit parfois dans la presse une dangereuse cacophonie. Les