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de qui les soldats disent que la bonté brille dans ses yeux et qui ne fait pas de différence entre grands et petits, pourvu que chacun fasse son devoir, s’est senti profondément blessé. De même qu’en campagne, après les dures journées de combat, il veille comme un père au bien de ses soldats, il sait aussi que les ouvriers, à l’arrière, ont maintenant la vie difficile. Il a lancé un appel au pays pour assurer aux ouvriers en munitions, sur les approvisionnements existants, une collecte spéciale de vivres… Or, Hindenburg a désigné la conduite des grévistes comme une faute inexpiable contre l’armée, faute que paieront de leur sang ceux qui nous défendent dans les tranchées. » (Neue Badische Landeszeitung, 26 avril.) Malgré toutes les objurgations, l’approche du 1er mai accroît la propagande révolutionnaire, et le général Groener, président du Kriegsamt, adresse une proclamation aux ouvriers de l’armement ; il y invoque tour à tour Hindenburg et le Gode pénal : « N’avez-vous pas lu la lettre de Hindenburg ?… Qui ose résister à l’appel de Hindenburg ?… Relisez la lettre de Hindenburg et vous saurez où se cachent nos pires ennemis… Lisez dans le Code pénal de l’Empire ce que l’article 89 dit de la haute trahison… Qui ose ne pas travailler, quand Hindenburg l’ordonne ?… »

La journée du 1er mai semble avoir été calme à Berlin et dans les autres grandes villes de l’Empire : la police était prête à sévir, toutes les mesures avaient été prises. D’ailleurs, on ne peut dire exactement ce qui se passa du 16 avril au 2 mai. Les journaux gardèrent le silence ; quelques notes officielles et optimistes de l’agence Wolff furent seules à passer la frontière.

Tandis que ces grèves inquiétaient le gouvernement et alarmaient l’opinion, une grande bataille se déroulait sur le front anglo-français, et les résultats de cette bataille, loin de relever le moral de l’Allemagne, le déprimaient encore davantage.

Quand on lit les journaux allemands de la seconde quinzaine d’avril, il est impossible de s’y tromper : à l’arrière, tout le monde eut alors le sentiment que, devant Arras et sur l’Aisne, les armées venaient de subir une série de lourds échecs. Tandis que, chez nous, passait une rafale de pessimisme, que l’affolement de quelques politiciens gagnait le gouvernement, la presse et le public, que des porteurs de fausses nouvelles, exagérant l’importance de nos pertes et la gravité de certaines mutineries, s’efforçaient de donner à la France l’impression de la défaite,