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plus pressants. Mais eût-elle suffi à sauver la nation du désespoir, si, à la même heure, l’Entente avait mené le combat avec moins d’hésitation et de mollesse ?

Tout augmente alors les peines et les misères de l’Allemagne. — Apres l’Amérique, c’est le Brésil qui déclare la guerre ; après le Brésil, la Chine et bien d’autres. Il est impossible de le méconnaître, la Germanie n’a pas "trouvé un seul ami, et chaque jour lui amène un ennemi nouveau. Devant ce déluge de déclarations de guerre, la presse conclut avec tristesse : il n’y a plus qu’à « serrer les dents » et à se répéter le mot du juste : « Si fractus… » — Depuis l’abdication du Tsar, le peuple s’imagine que la lassitude va incliner la Russie à une paix séparée ; or, la Russie continue la guerre. — Des rumeurs circulent sur la politique de l’Autriche ; on suspecte la fidélité du nouvel Empereur. — A l’intérieur, on n’a jamais tant parlé d’une orientation nouvelle, d’une democratisierung, d’une parlementarisierung de l’Allemagne, et l’Empereur, redoutant l’effet des messages démocratiques du président Wilson, se décide, le jour de Pâques, à promettre la réforme du Landtag de Prusse ; mais le peuple s’intéresse peu à ces revendications politiques. Il souffre trop de la disette.

L’hiver a été extrêmement rigoureux. A cause de l’insuffisance des transports, le charbon a souvent manqué. Il y a très peu de fourrage et par suite très peu de lait. La graisse est introuvable. La dernière récolte de pommes de terre a causé une cruelle déconvenue. La complication extraordinaire des services, les conflits des bureaux et des comités, -la mauvaise volonté des paysans soutenue par les agrariens ont suscité une exaspération générale. La nouvelle que la ration de pain sera diminuée à partir du 15 avril déchaîne le mécontentement.

Le 16 avril, à Berlin et dans quelques grands centres industriels de la Saxe et de la Westphalie, les ouvriers du bois, des métaux et des transports suspendent le travail, forment des rassemblements et des cortèges. L’autorité militaire leur consent quelques concessions d’ordre économique. En deux jours, les grèves sont apaisées. Alors, comme au 1er mai 1916, des socialistes minoritaires s’efforcent de donner au mouvement une direction politique : ils échouent. Cependant l’agitation persiste dans certaines usines de munitions, et Hindenburg lui-même doit faire appel au patriotisme des ouvriers. « L’homme