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impitoyablement la guerre, que son armée, épuisée, disait-on, par la bataille de Verdun, reprend l’offensive sur la Somme et que les Russes avancent en faisant des milliers et des milliers du prisonniers. On explique sans doute au public que l’État-major n’a été nullement surpris de l’offensive française, qu’il était depuis longtemps fixé sur les intentions de l’ennemi, que, du reste, cette tentative sera la dernière, le moral des troupes françaises étant détestable ; on le rassure sur l’étendue des pertes : « Assurément nos pertes sont sérieuses ; elles ne sont rien pourtant, si on les compare à celles de nos ennemis… » Le public ne paraît ni convaincu ni résigné, car les journaux sont toujours remplis de remontrances patriotiques. Quant aux succès des Russes, quelque soin qu’on prenne pour les dissimuler, ils finissent par alarmer l’opinion. Cependant, à partir du jour où Hindenburg est nommé général en chef des armées d’Orient, la confiance renaît, soudaine et entière. Les communiqués russes annoncent de nouveaux succès et de nouveaux prisonniers : chacun se contente de hausser les épaules et de s’en remettre à Hindenburg.

Cet optimisme fléchit un instant lorsque, dans les derniers jours du mois d’août, la Roumanie déclare la guerre à l’Autriche. Depuis quelque temps déjà, l’événement semblait probable. Il n’en soulève pas moins une émotion extraordinaire : injures au roi Ferdinand ; fureur contre les diplomates qui, encore une fois, n’ont rien su ni prévoir ni empêcher ; épouvante à la pensée que, l’an prochain, l’Allemagne va être privée des céréales de Roumanie ; enfin, deux jours durant, l’attitude silencieuse de la Bulgarie fait redouter une trahison. Mais, le 29 août, l’Allemagne oublie brusquement ses appréhensions et même ses souffrances. Ce jour-là, l’Empereur, ayant appelé le général von Falkenhayn à d’autres fonctions, nomme Hindenburg chef et Ludendorff sous-chef d’État-major de l’armée.


LA FOI EN HINDENBURG

« Une immense allégresse règne aujourd’hui dans toute l’Allemagne et il n’y a pas un cœur allemand qui ne batte plus fort… L’Empereur, Hindenburg et Ludendorff vont collaborer en pleine confiance à la direction militaire de l’Allemagne pour