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de la travestir en une manœuvre de défense préventive.

Verdun est incendié. — Cette destruction est présentée comme une victoire, et, sans doute, elle réjouit l’imagination populaire, mais elle ne console pas ceux qui continuent d’espérer la reddition de la place. « A l’optimisme irraisonné qui voyait Verdun tombant quelques jours après le premier effort de notre offensive, a succédé soudain un scepticisme découragé. » (Deutsche Tageszeitung, 8 avril 1916.) On a beau répéter à ces sceptiques que les lignes allemandes sont à quelques kilomètres de la forteresse, que les pires difficultés ont été surmontées, que les troupes ont déjà accompli une large part de leur tâche, qu’il serait fou de vouloir, « dans un accès de cruelle impatience, précipiter le cours naturel des choses. » Le nombre des sceptiques s’accroît. Dans des premiers jours d’avril, tout ce qui en Allemagne n’est pas incapable de réflexion, comprend que Verdun ne succombera pas, et que, même si la place venait à tomber, le succès ne compenserait plus les effroyables sacrifices qu’il aurait coûtés.

Afin de justifier l’opération, le grand État-major en est réduit à des plaidoyers de ce genre : « La pensée d’attaquer précisément le point le plus fort du front français est un trait de génie… Il n’est pas jusqu’à la lenteur des opérations qui ne nous soit essentiellement favorable, puisqu’elle a pour conséquence d’imposer à l’ennemi une saignée d’autant plus abondante, et par suite, au point de vue politique, d’entraîner pour la France, après la guerre, un affaiblissement d’autant plus considérable. Si le grand art est de discerner l’essentiel de l’accessoire, nous devons un hommage particulier à notre grand État-major : il a reconnu, par une inspiration de haute stratégie, le point précis où il convenait d’appuyer pour jeter bas toutes les positions ennemies. » (Tæglische Rundschau, 11 avril 1916.) Ou bien encore : « Ne nous laissons pas troubler. Pour nous doivent seuls faire foi les communiqués de notre État-major. Or, pas un mot, dans aucun de ces communiqués, n’indique l’intention de prendre Verdun. La chute d’une place forte peut entrer dans le cadre d’une opération de large envergure, en être le préliminaire nécessaire ou souhaitable… Il s’agit à Verdun d’une bataille d’usure. » (Norddeutsche Allgemeine Zeitung, 23 avril 1916.)

De temps en temps un succès local, comme la prise du