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réellement, la lutte du droit contre la force, de la liberté contre la tyrannie, de l’esprit contre la matière, il estima qu’à s’en désintéresser l’Amérique se livrerait décidément au matérialisme qui, chez elle-même, la menaçait ; tandis qu’en embrassant la cause de la liberté, elle résoudrait le problème de sa destinée dans le sens que lui dictaient son devoir et ses grands aïeux.

En jugeant ainsi, le président Wilson avait le sentiment qu’il était en communion avec la conscience de son pays. Il lui parla donc, et il reçut ses inspirations, en même temps qu’il lui communiquait les siennes. De l’action réciproque de la nation sur son chef et du chef sur la nation résulta une décision que l’histoire enregistrera certainement à côté des plus grands faits dont elle fasse mention. Ce n’était pas la volonté d’un individu, c’était celle d’un peuple qui, ayant le sentiment qu’il pouvait tout, soumit humblement cette toute-puissance à l’autorité de la loi morale et de l’idéal.

L’esprit dans lequel l’Amérique est entrée dans cette guerre a été exposé par le président Wilson, à plusieurs reprises, en des paroles immortelles. Telles les suivantes, conclusions de son message au Congrès du 2 avril 1917 : « C’est une chose effroyable de mener au combat, d’engager dans la guerre la plus terrible et la plus funeste que le monde ait jamais vue… ce grand et paisible peuple. Mais le droit est plus précieux que la paix, et nous combattrons pour les choses que nous avons toujours eues le plus à cœur : pour la démocratie ; pour le droit que possèdent les hommes soumis à une autorité d’avoir une voix dans leur propre gouvernement ; pour les droits et les libertés des petites nations ; pour la suprématie universelle du droit, réalisée au moyen d’une association des peuples libres qui procurera la paix et la sûreté à toutes les nations, et qui, enfin, libérera le monde. « À cette tâche nous vouons nos vies et nos fortunes, tout ce que nous sommes et tout ce que nous possédons, fiers de voir se lever le jour où l’Amérique a ce privilège de mettre tout son sang et toute sa puissance au service des principes qui lui ont donné et l’existence, et le bonheur, et cette paix qu’elle gardait comme un trésor. Avec l’aide de Dieu, l’Amérique ne peut faire autrement. »

Ces paroles ne signifient pas seulement que l’Amérique enverra, pour combattre avec les Alliés, des millions d’hommes, et participera, de toutes ses forces, à toutes les charges de la