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LES MASQUES ET LES VISAGES

AUTOUR D’UN BUSTE

III. [1]
ISABELLE D’ARAGON ET BIANCA SFORZA

Il y a, au fond du petit musée de l’Ambrosienne, à Milan, dans un réduit appelé le Gabinetto Leonardo et placée assez haut avec d’autres dessins contenus dans le même cadre, une des œuvres les plus parfaites qui soient sorties de la main de l’homme : une de celles qui réalisent le miracle de la « présence réelle, » de la vie et de la beauté sous les espèces de quelques traits au charbon. C’est un portrait de femme, jeune, de face, baissant les yeux, crayonné au fusain et, cà et là, frotté de pastel : un peu de rouge brique aux joues, du jaune canari à la chevelure, un soupçon de rouge corail au collier. La lumière tombe de gauche et renvoie les accents et les ombres sous la joue droite, sous la narine droite, à la commissure droite des lèvres, sous le menton jusqu’à l’épaule. Les cheveux, séparés au milieu du front par une raie, s’épanchent, sur chaque versant, en ondes épaisses et souples. Pas de bijoux : seulement ; deux cercles devinés plutôt que vus, c’est-à-dire une ferronnière sur le front et un collier sur la gorge. Enfin, un corsage décolleté, en carré, avec un soupçon de manches bouffantes sur

  1. Voyez la Revue des 1er septembre et 15 octobre.