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son caractère, ses aspirations, sa vie américaine, existait véritablement. Il y avait donc lieu de se demander si l’article de la Constitution qui faisait nommer le président, non par le Congrès, non plus que par les États, mais par des électeurs directement choisis par la nation à cette fin précise, n’instituait pas implicitement, outre les deux pouvoirs définis qu’elle désignait, celui du gouvernement central et celui des États, un troisième pouvoir, moral plutôt que légal, dominant les deux autres : celui de la nation comme telle. Le président, étant donné la manière dont il était nommé et les pouvoirs dont il était investi, n’était-il pas le représentant constitutionnel de ce troisième et suprême pouvoir ?

Tels sont les problèmes qui, depuis un quart de siècle, se posent devant les États-Unis. Il semble bien qu’aujourd’hui l’Amérique soit en train de les résoudre. Comment ce phénomène s’est-il produit ?


A l’origine de chacun des deux grands mouvements qui ont, dans le passé, déterminé la marche du peuple américain, nous trouvons un homme, incarnation des tendances les plus hautes de la nation, et, en même temps, caractère puissant, volonté forte, capable de diriger cette nation vers ses destinées. Washington a mené les colonies à la conquête de l’indépendance et de l’union. Lincoln a scellé cette union en la faisant reposer, non seulement sur la loi, mais sur les mœurs ; non seulement sur les conditions d’existence, mais sur la réalité d’une âme commune. Pour guider l’Amérique au troisième moment critique de son histoire, un homme s’est rencontré qui semble devoir être mis par la postérité à côté de ces deux héros : le président Wilson.

Son caractère personnel était ferme et tranché. Il était foncièrement idéaliste, et non moins jalousement réalisateur. C’était un idéaliste positif. Il était, avant tout, désireux de ne penser ni en Américain de l’Est, ni en Américain du Sud, ou de l’Ouest, ou du Nord, mais en Américain. Son idéalisme, combinait ce que les diverses populations qui avaient formé les États-Unis avaient apporté de plus excellent : la notion du devoir et de la responsabilité des puritains, la démocratie généreuse et humaine de la vallée du Mississipi, l’esprit indépendant, égalitaire et conservateur du Sud, l’activité pratique de tous.