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d’armistice, « aussi longtemps que les forces armées de l’Allemagne continueront à se livrer aux pratiques illégales et inhumaines dans lesquelles elles persistent; » spectacle abominable que les nations associées contemplent, à juste titre, « avec horreur et le cœur enflammé. » Et puis, subsiste la dernière inquiétude : à qui les gouvernements associés ont-ils affaire? Le gouvernement allemand est-il encore ce « pouvoir arbitraire » qui peut, séparément, secrètement et par sa seule volonté, troubler la paix du monde? » Si oui, « il dépend de la nation, allemande de le changer. » Si, d’elle-même, elle ne surmonte pas cet obstacle à la paix, le Président Wilson laisse entendre que force sera au monde de l’abattre.

Le coup était rude; il a été ressenti. « C’est un soufflet! » dirent les uns; et d’autres, plus vulgairement : « C’est une gifle! » On aurait cru que l’Allemagne se serait redressée, révoltée, qu’elle aurait coupé la conversation. Point du tout. Les autorités délibèrent, en présence de l’idole au piédestal maintenant scié, de leur Hindenburg en chair et en bois, sur la tournure à donner à la suite de l’entretien. Cela seul marque le degré d’usure où est descendue l’Allemagne. Assurément elle témoigne quelque humeur, mais elle n’a pas tout de suite crié : Assez! du ton dont l’eût crié l’Etat qui, hier, n’avait que trop conscience d’être le plus puissant empire du globe. Elle grogne, mais ne peut plus ou ne veut plus marcher. Elle est furieuse, mais elle « encaisse; » pour un peu, elle s’excuserait.

Elle le fait presque. Dans sa troisième note, elle s’attendrit sur elle-même, épilogue, roucoule et minaude. Inhumaine, elle, l’Allemagne! Est-il possible? Et cette troisième note, pour n’en pas perdre l’habitude, renferme bien encore une ou deux malices, mais si « colossales » qu’elles sont visibles des antipodes, si puériles qu’elles sont au-dessous de la candeur d’un enfant du premier âge. Le trait qui la résume et qui la juge demeure l’absence d’indignation, la carence de toute fierté; une sorte de frénésie d’auto-humiliation; une résignation désespérée, qui est aussi le trait dominant du discours prononcé, le 22, au Reichstag, par le prince Max de Bade. Il y a en ce discours beaucoup de verbiage inconsistant et superflu, mais il s’en détache, vers la fin, trois ou quatre mots que l’orateur n’a pu empêcher de sortir de sa gorge : « L’ennemi est à nos portes... Nos soldats sont aujourd’hui dans une situation effroyablement dure... Ils combattent étant assaillis de soucis pour l’intérieur; ils combattent en ayant l’idée de paix en tête... » Autant de mots, autant d’aveux; autant d’aveux, autant d’abandons.