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deux points faibles du Président Wilson devaient être ses points les plus forts, qu’une pareille guerre le blessait cruellement en sa conscience religieuse et en sa conscience juridique, et qu’il n’y avait pour lui de paix recevable ni concevable qui n’apportât à l’une et à l’autre un infaillible et imperturbable apaisement.

A la demande du gouvernement allemand, il a, en conséquence, commencé par opposer trois contre-demandes, avertissant que c’était une précaution, une préface, qu’avant de répondre et afin que la réponse fût aussi sincère et sans détour que les intérêts en jeu l’exigeaient, il désirait être assuré de ne pas se tromper sur le sens exact de la note. D’où une triple interrogation. 1° Le Chancelier impérial veut-il dire que « le gouvernement impérial allemand accepte les conditions posées par le Président, et que son but, en entamant des discussions, serait seulement de se mettre d’accord sur les détails pratiques de leur application? — 2° En ce qui concerne l’armistice, comme le Président ne voit pas la possibilité même « de le proposer aux Puissances avec lesquelles le gouvernement des États-Unis est associé contre les Puissances centrales aussi longtemps que les armées de ces dernières puissances sont sur le sol des gouvernements envahis, » les Puissances centrales consentent-elles à « retirer immédiatement partout leurs forces des territoires envahis? » Mais il y a une question préalable : A qui le Président des États-Unis a-t-il réellement affaire? Et « le Chancelier impérial parle-t-il simplement au nom des autorités constituées de l’Empire, qui, jusqu’ici, ont conduit la guerre ? »

Ces trois contre-demandes du Président Wilson, à les relire la tête froide, étaient directes, tranchantes, impérieuses. Il n’y avait en elles ni obscurité ni flottement; nul délayage, nul bavardage. Néanmoins, aux États-Unis mêmes, l’opinion, par tous ses organes, dans la presse, dans les réunions de commissions et de partis, jusque dans le Congrès, réclama une énergie plus laconique, approuvant, à la vérité, le contenu de cette première réponse, mais redoutant que, de question en réponse et de repartie en réplique, on ne se trouvât engagé dans une conversation qui pourrait devenir dangereuse. Mais M, Wilson, quelque irréductible qu’il soit sur les principes de sa foi et de sa conduite, a souvent témoigné d’une ductilité, d’une subtilité, d’une sensibilité extrême aux courants populaires. Une occasion s’offrait à lui de prendre d’un seul coup la température de son propre pays, celle des Alliés, et celle de l’ennemi : il leur a mis le thermomètre et constaté que la volonté des uns était implacable, le moral de l’autre