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Jussieux la presse, la frôle, et je ne sais vraiment comment expliquer en termes honnêtes ce qui se passe en lui… Tant qu’enfin il met sur le bras nu d’Henriette un baiser brutal. En voilà un, au moins, sur le compte de qui nous n’avons pas une hésitation et pas un doute. C’est le goujat, sans phrases. C’est le « pur mufle » dont l’avènement avait été la caractéristique même du théâtre d’avant-guerre. Je plains l’excellent Huguenet d’avoir à incarner un tel personnage… Nonotte est entrée au bon moment. Elle chasse Jussieux, qui s’en va honteusement, les épaules courbées. Et une grande révolution se fait en elle. Ce baiser incongru a mis en fuite la dernière de ses illusions. Elle épousera Martin-Puech. Henriette épousera celui qu’elle aime. Il y a encore de beaux jours pour la bonne société française !

Mais qu’est-ce que tout cela peut bien nous faire ? Et est-il même besoin de remarquer que, pour une mère qui sacrifie son bonheur à celui de sa fille, Nonotte n’est guère à plaindre ? Elle se marie richement et case honorablement sa fille : beaucoup l’envieraient, même parmi celles qui ont le plus consciencieusement rôti le balai… Et n’est-ce pas une dérision, dans un temps où toutes les Françaises font chaque jour tant et de si cruels sacrifices, de choisir l’immolation de cette drôlesse et de la proposer à la méditation du monde ?

Lorsqu’enfin, sur le sol libéré, ceux du front chassent les Boches, il serait grand temps que ceux de l’arrière en fissent autant. Notre Image nous est présentée avec une mise en scène du plus fâcheux exotisme. Dans les entr’actes, des flonflons de tziganes font rage. Autant de lourdes fautes de goût ! Enlevez-nous ça ! Enlevez ! Balayez tout ce que les Boches ont laissé derrière eux !


En Italie, après 1815. Un jeune homme a tué un ruffian. Il était en état de légitime défense ; c’est quand même un meurtre et son cas est mauvais. Mais une grande dame s’intéresse à lui et sollicite sa grâce auprès du prince régnant. La grande dame est belle et il ne tiendrait qu’à elle d’obtenir la grâce de son protégé, en la payant de son déshonneur. Mais, quoique grande dame, elle est vertueuse, et le prince en courroux abandonne le sympathique meurtrier à la justice, qui s’empresse de le jeter en prison. Le prisonnier a pour toute distraction de se hisser jusqu’à une lucarne d’où il aperçoit un peu de ciel. Il aperçoit aussi une jeune fille dont il devient éperdument amoureux et dont il se fait éperdument aimer. Bien lui en prend, cette jeune fille étant la fille du directeur de la prison. Avertie qu’on veut empoisonner celui qu’elle aime, elle fait irruption dans sa