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REVUE DRAMATIQUE


THEATRE REJANE : Notre Image, pièce en deux actes par M. Henry Bataille. — ODEON : La Chartreuse de Parme, pièce en cinq actes d’après Stendhal par M. Paul Ginisty. — COMEDIE-FRANÇAISE : Le Misanthrope.


La pièce nouvelle de M. Henry Bataille aurait été écrite il y a cent ans, elle ne nous paraîtrait pas plus surannée et plus démodée. Elle aurait été conçue, composée, dialoguée dans la lune, elle ne nous paraîtrait pas plus lointaine. Pour qui nous prend-on de venir, aux jours historiques de l’automne 1918, nous entretenir des peines de cœur d’une vieille femme galante et de sa descendance ? Il est bien vrai qu’à la veille de la guerre il traînait dans notre littérature, surtout au théâtre, le théâtre étant toujours un peu en retard, un relent de bas-fonds et de décomposition. C’est même ce qui a contribué à tromper nos ennemis sur notre compte. Se hâtant de prendre pour fait accompli ce qu’ils désiraient si ardemment, ils nous ont crus empoisonnés. De son grand souffle purificateur, à la première menace, le vent de patriotisme, qui a soulevé tout le pays, a balayé ce mauvais air. Et depuis, quatre années de souffrances inouïes, de deuils et de gloire ont creusé un abîme entre nous et nos pauvres petites déliquescences d’avant-guerre. Le soir où nous nous rendions à la première représentation de Notre Image, nous venions d’apprendre que fille était délivrée. Des images en effet, tout un monde d’images, les unes sombres, atroces, les autres radieuses, emplissaient nos âmes. Nous évoquions le long martyre de ces Français, les quatre années douloureuses où ils furent séparés de la patrie par une muraille infranchissable, torturés par l’odieuse présence de l’envahisseur, suppliciés par le manque de nouvelles, et quand même se raidissant dans l’épreuve, et gardant au fond de leurs cœurs