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témoignage daté du « 31 décembre, sur le point de marcher. » un délicieux témoignage : « Mon cher charlatan, vous faites votre métier à merveille. J’avance ici et je compte d’être demain à Breslau et d’être en quinze jours maître de tout le cours de la Neisse. Nos affaires vont très bien ici : et, si votre galbanum se débite bien d’un autre côté, vous pouvez compter que l’affaire est faite. Adieu, mon cher charlatan : soyez le plus habile charlatan du monde et moi le plus heureux enfant de la fortune, et nos noms ne seront jamais mis en oubli. » C’est ainsi que la question de droit fut tranchée.

Cependant, Frédéric II, en pleine ignominie morale, mêle Dieu à ses opérations diplomatiques et militaires. Du reste, il ne croit ni à Dieu ni au diable. C’est au point que Voltaire trouve là trop d’athéisme, pour un souverain ! Mais Frédéric If écrit tout de même : « S’il plaît à Dieu, mes troupes seront en marche au commencement de décembre. » Il écrit à Valory, le 13 avril 1741 : « la bataille gagnée, par la grâce de l’Éternel, le 10 de ce mois… » A la mort de l’impératrice Anne de Russie, après avoir très dolemment marqué sa « douleur » au baron de Brackel, ministre de Russie, il écrit à son cher charlatan Podewils : « L’impératrice de Russie vient de mourir. Dieu nous favorise… » Il est, ici encore, un précurseur, en Allemagne. On sait l’emploi que, dans la présente guerre, Guillaume II a fait du Vieux Dieu allemand, si bien que le cynique et fol professeur Ostwald, un jour, dit à des neutres étonnés : « Dieu le père est, chez nous, réservé à l’usage personnel de l’Empereur. » Il arriva que la Russie, dupée longtemps par le roi de Prusse et le charlatan Podewils, entra dans un projet de partage de la Prusse. Alors, le roi de Prusse pousse des cris indignés : « La trahison de la Russie est épouvantable. La malice et l’envie des Saxons l’ont couvée et la faiblesse du prince Antoine l’a fait éclore. Si les nouvelles ultérieures répondent à celles que je viens de recevoir, il faudra conclure au plus vite avec la France ; et ce ne sera plus moi, mais la Russie et l’Angleterre qui bouleverseront l’Europe… » Ce ne sera plus moi… Cependant, il ajoute : « J’ai fait ce que j’ai pu pour la tranquillité publique… » Il a fait ce qu’il a pu pour la tranquillité publique… Cependant, il ajoute : « Mais, quoi qu’il arrive, j’aurai au moins la satisfaction de bouleverser la maison d’Autriche et d’ensevelir la Saxe… « Il est hors de lui, ce jour-là ; il mêle sa colère et ses aveux : d’ailleurs, il ne se débraille ainsi que devant Podewils.

Son meilleur aveu, le voici, dans une lettre à Podewils, datée du camp de Mollwitz le 12 mai 1741 : « S’il y a à gagner à être honnête