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L’ARGENT ET L’OR
AU COURS DE LA GUERRE


I. — HAUSSE DE L’ARGENT

Parmi les phénomènes économiques qui sont nés de la guerre, il en est un qui mérite de retenir notre attention : c’est la hausse de l’argent, qui, depuis un tiers de siècle, avait perdu, chez la plupart des grandes nations, sa vertu monétaire et qui semblait, par cela même, condamné à ne pas se relever de la dépréciation qu’il avait subie. Mais voici que ce métal blanc, à 15 grammes et demi duquel notre loi de germinal an XI avait attribué une valeur correspondant à un gramme d’or et dont la cote, en 1902, était descendue si bas qu’il fallait alors 42 grammes d’argent pour acheter un gramme d’or, voici que ce paria métallique se relève ! Au début de la guerre, le gramme d’argent ne valait que 8 centimes environ ; il s’est relevé en 1915 à 10, en 1916 à 15 centimes, et en octobre 1918 il est aux environs de 17 centimes, c’est-à-dire qu’il se rapproche du prix de 20 centimes que lui assignait notre loi fondamentale de 1803, qui autorisait la libre frappe des monnaies d’or et d’argent.

Ce n’est pas là une des moindres surprises parmi celles que la guerre nous a réservées. Il avait semblé à beaucoup de bons esprits que, l’emploi essentiel de l’argent étant la frappe monétaire, du moment où, dans la plupart des pays modernes, cette frappe était suspendue, que chez quelques-uns seulement force libératoire était conservée à d’anciennes pièces, que chez presque tous l’argent ne servait plus qu’à fabriquer les