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résultat qui, certainement, ne répondra pas aux vœux exprimés par les socialistes et les démocrates.

Enfin, ne nous abandonnons à aucune illusion. Si même le suffrage universel était introduit en Prusse pour les élections du Landtag, il n’en résulterait nullement que le régime parlementaire fut par-là même instauré dans ce pays. Les Chambres basses de la Bavière, du Wurtemberg, du Grand-Duché de Bade, de la Hesse, sont élues à ce mode de suffrage. Néanmoins les ministres sont nommés par le souverain et n’abandonnent le pouvoir que lorsqu’ils ont perdu sa confiance. Leur sort ne dépend en aucune manière des votes du parlement.

Et cela s’explique. Les partis allemands, sachant qu’ils ne seront jamais, comme tels, appelés à réaliser leurs programmes politiques, ne se soucient pas, dans l’élaboration de ces programmes, des possibilités de réalisation. En Allemagne et surtout en Prusse, les oppositions de programmes sont absolues. En temps de guerre, une entente peut se créer entre les représentants des fractions rivales ; mais cette entente cesserait fatalement d’exister dès qu’on aborderait un problème de politique intérieure ou d’économie sociale.

Or, si, en Bavière, le centre détient à lui seul plus de la moitié des mandats et si dès lors le Roi peut confier le ministère aux membres de ce parti, en Prusse, le suffrage universel donnerait une centaine de sièges aux socialistes, environ 30 aux démocrates, 50 aux nationaux-libéraux, 90 au centre catholique, de 90 à 100 aux groupes conservateurs. Comment dès lors trouver dans des partis si opposés les éléments d’un ministère homogène ? Les prérogatives de la couronne resteraient donc entières par la force même des choses. Ce n’est qu’après une longue période de tâtonnements que se formeraient, dans la nation d’abord, dans le parlement ensuite, les deux grands groupements d’opinions qui, dans les pays où le parlementarisme est pratiqué depuis un temps fort long, l’emportent périodiquement l’un sur l’autre et permettent au chef de l’exécutif de former des ministères disposant de majorités fixes.


La deuxième réforme « démocratique » que les Allemands nous mettent en perspective est celle du gouvernement de l’Empire. La majorité du Reichstag a précisé ses revendications.