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traité de Bucarest, lus majoritaires du Reichstag ne s’opposèrent nullement à un retour agressif des annexionnistes, qui réoccupèrent la ligne de Wedel. L’avance foudroyante des armées allemandes sur Amiens et sur Château-Thierry rendit toute leur assurance aux hobereaux prussiens, qui imposèrent pendant quelques jours au Reichstag l’acceptation du programme Westarp.

Aujourd’hui, l’Allemagne, qui voit venir la faillite de son militarisme, bat rapidement en retraite. Elle évacue toutes les premières lignes et, presque d’un bond, elle s’établit sur ses derniers retranchements, d’ailleurs soigneusement préparés et entretenus en vue de l’éventualité qui se produit : elle annonce qu’elle va se démocratiser.


Or, examinons d’un peu près les réformes intérieures qu’elle nous annonce. Il sera facile d’établir qu’il s’agit d’une simple manœuvre destinée, à déconcerter les Alliés.

Que demandent les socialistes allemands et, avec eux, les démocrates de l’aile gauche des nationaux-libéraux et du centre catholique ?

En premier lieu, l’introduction en Prusse du suffrage universel pour les élections du Landtag. La revendication est ancienne. Déjà, les révolutionnaires de 1848 l’avaient présentée et avaient obtenu du Roi une promesse qui ne fut jamais tenue. Avant la guerre, le comte de Bülow et M. de Bethmann-Hollweg avaient (oh ! combien mollement ! ) tenté de la faire aboutir. Toutes les fois que, depuis le début des hostilités, il fallut amadouer les partis de gauche, l’Empereur et son chancelier remirent le projet de loi à l’étude. M. de Hertling menaça même, il y a quelques mois, soit de donner sa démission, soit de dissoudre le Parlement prussien, si celui-ci refusait d’obéir à ses sommations répétées.

Malgré tout, le projet de réforme électorale est resté en souffrance. Le régime des trois classes et de l’élection à deux degrés et à bulletins ouverts assure aux conservateurs une majorité qui leur échapperait certainement si un mode de suffrage populaire lui était substitué. On demande donc au parti dirigeant, à celui qui représente la tradition prussienne, de jouer le rôle de suicidé par persuasion. Il s’y est toujours refusé. Il s’y résignera de mauvaise grâce au moment où, après une