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uniforme tous les éléments, si divers soient-ils, que l’on y introduit. De là, disait-on, le type américain, type unique, où s’acheminent, plus ou moins vite, tous les nouveaux venus. Ce type n’est autre chose que la résultante mécanique de tous les apports que reçoivent les États-Unis.

Contre cette théorie, l’histoire, également, proteste. Que serait une telle résultante ? Un je ne sais quoi de vague, d’indécis, de médiocre, d’ondoyant et d’impersonnel, qui ne mériterait pas le nom de type national. Ce serait l’analogue de ce qu’on appelle une photographie composite. Certains Américains ont signalé ce qu’une telle évolution aurait de vicieux et de funeste ; et ils ont énergiquement condamné un changement substituant, à la richesse et à la variété primitives, ce qu’ils appellent a social vagueness : une forme de société vague, banale et sans couleur. L’Amérique, ainsi conçue, ne serait plus que le noyau d’un cosmopolitisme médiocre, où toutes les différences qui, par le monde, distinguent actuellement les hommes et font l’intérêt de la vie seraient destinées à disparaître.

Théorie non moins exclusive et abstraite que les précédentes. L’histoire nous montre, et la vitalité des différences en Amérique, et l’originalité croissante de la pensée commune. Le caractère américain d’aujourd’hui est bien un caractère défini et national, comme le caractère anglais et le caractère français.

En somme, les théories qui construisent la relation de l’un et du multiple en Amérique d’après tel ou tel principe posé d’avance, échouent, si on les confronte avec les faits. L’histoire est moins simple que la logique. L’histoire américaine, telle qu’elle se déroule dans le livre de Woodrow Wilson, nous montre le principe de multiplicité et le principe d’unité non moins réels, persistants et féconds l’un que l’autre. Elle nous fait voir ces deux principes exerçant l’un sur l’autre une action réciproque. L’idée unifiante évolue sous l’influence des éléments ; et les éléments se modifient sous l’action de l’idée centrale. Comment se fait ce remarquable travail ? quelles phases présente-t-il ? à quel résultat a-t-il abouti ? quelles perspectives ouvre-t-il sur l’avenir ? c’est ce que l’histoire seule peut nous apprendre ; c’est ce qu’il nous est infiniment instructif d’étudier sous la conduite du président Wilson