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Certaines personnes, partant de cette remarque même, soutiennent une thèse opposée à celle de Carlyle, et voient, dans la diversité irréductible des éléments, la caractéristique de l’Union américaine. La forme, dans ce second système, non seulement ne domine pas la matière, mais se réduit à une unité d’assemblage sans réalité propre.

Cette conception des États-Unis, comme simple collection d’unités entièrement distinctes et se suffisant à elles-mêmes, se présente, d’ailleurs, sous différents aspects. Généralement, ce sont les États dont se compose l’Union que l’on considère ainsi comme pouvant et devant vivre chacun pour soi. Mais, la thèse de la multiplicité est également soutenue dans un autre sens. Récemment nous vîmes mettre en avant, sous le nom de Hyphenatism (trait-d’unionisme), une doctrine d’après laquelle le propre de l’Américanisme serait de laisser à chacun sa nationalité originelle : écossaise, irlandaise, allemande, hollandaise, italienne, etc. en y superposant simplement une nationalité commune, dite américaine.

Contre cette théorie du pluralisme radical, l’histoire, selon M. Wilson, s’élève, de même, impérieusement. Le simple confédérationnisme, déjà dépassé à la fin du XVIIIe siècle, a été définitivement anéanti lors de la guerre de Sécession. L’Amérique est bien une unité, non seulement extérieure, mais interne. Il existe une influence, une assimilation, une vie américaine. On constate, entre les citoyens des États-Unis, une certaine communauté, non seulement de conditions d’existence, mais de nature. L’Américain n’est pas citoyen du Massachusetts, du Texas ou de Californie, d’abord, Américain ensuite ; ou encore Anglais, Polonais, Allemand de nature, et, de par les institutions, Américain. Il est, purement et simplement, Américain, ne séparant pas, dans sa conscience, sa vie locale, très réelle, de sa vie nationale, immanente à sa vie locale.

Une troisième définition sommaire de l’Américanisme était en vogue dans ces derniers temps. Frappés de la rapidité avec laquelle les immigrants si divers de l’Amérique perdaient, en fait, pour la plupart, leurs caractères originels, leur langue, leurs goûts, leurs allures et leurs traits même, pour contracter ceux de leurs nouveaux concitoyens, beaucoup d’Américains estimaient que l’Amérique était essentiellement un creuset (a metting-pot), où se dissolvent et se changent en une masse