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aux abords du pont et autour de l’église, endroits où s’est concentré l’effort de la résistance. Enfin, nous pouvons nous installer dans une maison qu’occupaient les Bolcheviks. Nous y trouvons tout servi un repas que ces messieurs n’ont pas eu le temps de déguster. Nous nous l’adjugeons sans remords.

L’ennemi avait l’avantage de la position, les nôtres étant obligés de descendre jusqu’au pont pour remonter ensuite vers le village. Les Bolcheviks, au nombre de 600 soldats, 400 gardes rouges, aidés par les paysans, avaient creusé deux lignes de tranchées. Huit canons de 3 pouces ouvrirent le feu sur nos troupes, qui disposaient pour toute artillerie de 6 pièces de campagne.

Après le duel d’artillerie, Kornilof et Alexeief donnèrent le signal de l’assaut. Ce fut un spectacle magnifique. Alexeief et Kornilof, celui-ci avec son escorte de Khans des Tékintsi, chargèrent, fusil en mains. La première ligne fut tout de suite enlevée : on n’y trouva que quelques cadavres. Le régiment de Kornilof arrivé devant la deuxième ligne, à l’entrée du village, l’emporta a la baïonnette. Une demi-heure après le déclenchement de l’attaque, l’ennemi était en pleine retraite emmenant son artillerie : un canon et onze mitrailleuses restèrent entre nos mains. En fouillant les caves, on y trouva un grand nombre de Bolcheviks : 200 furent passés par les armes.


DERNIÈRE CONVERSATION AVEC KORNILOF.

Au lendemain de ces événements, j’ai pu m’entretenir longuement avec Kornilof. Les déclarations qu’il a bien voulu me faire, peuvent se résumer ainsi :

« J’ai dû faire un exemple. Une armée comme la nôtre est tenue de se faire craindre : sans quoi, elle est perdue. Vous savez quelle est la bravoure de nos hommes et aussi quels dangers nous courons. Telle est la minceur de nos lignes que tous, — jusqu’aux sœurs de charité et aux médecins, — se trouvent toujours en première ligne. Chacun de mes deux officiers d’ordonnance a tué cinq ennemis de sa main, sous mes yeux. Notre tactique n’est pas de nous battre à tout prix, mais d’intimider l’ennemi, pour pouvoir, dès que les circonstances seront favorables, faire un nouveau bond en avant.

« La prise de Lezgeanka a été si subite que les Bolcheviks