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sacrifices, et qui en fait comme une conclusion provisoire, nous devons en terminant souligner l’importance.

Depuis le 4 août 1914, la France a vécu sous le régime des crédits provisoires. Tous les trois mois, le Parlement votait en bloc les crédits nécessaires pour toutes les dépenses du trimestre suivant ; il a ainsi voté 6 589 millions de crédits pour les derniers mois de 1914, 22 804 pour 1915, 32 945 pour 1916, 42 301 pour 1917. Toute prévision, toute précision à longue échéance étant impossible, cette pratique des crédits trimestriels s’était imposée au début : il est malheureusement hors de doute qu’elle s’est prolongée beaucoup plus que de raison. Trop longtemps nous avons été à la journée, ou au mois : nul contrôle possible, nul frein à l’inflation des dépenses ; point de recettes prévues en face des crédits ouverts : on avait perdu la notion de l’équilibre budgétaire.

Qu’est-ce qu’un budget ? Ce n’est pas seulement un état de prévision, c’est un état ou plutôt un établissement d’équilibre ; ce n’est pas seulement le moyen, et le seul moyen, de voir clair dans la situation financière, c’est le moyen, et en même temps le précepte, l’obligation pratique d’assurer le bon aménagement des ressources et des charges. En mettant celles-ci en regard de celles-là, il oblige à les équilibrer, car il faut en toute loyauté que celles-ci se règlent, et se gagent, sur celles-là. Sans budget, il n’y a pas d’ordre, bien plus il n’y a pas d’équilibre : on est dans le noir et dans le déficit. — Rétablir un budget, c’était donc la première condition pour rendre une base à nos finances, en même temps que pour forcer les services publics à restreindre les dépenses et le Parlement à voter les ressources nouvelles. Il fallait, comme disait autrefois Colbert, substituer la « maxime de l’ordre » à la « maxime de la confusion : » que n’avions-nous un Colbert pour faire régner la « maxime de l’ordre ! »

Bien tardive, comme l’œuvre fiscale dont elle dépendait, a été l’œuvre budgétaire du Gouvernement. Ce n’est que le 13 novembre 1917 qu’il a déposé à la Chambre, pour l’exercice 1918, un projet de budget ordinaire des services civils ; et ce n’est, après bien du temps perdu, que le 29 juin dernier que ce projet est devenu loi.

Budget « ordinaire » des « services civils : » il ne comprend et ne saurait comprendre que les dépenses annuelles et normales,