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accepter la hausse à 20 pour 100 de l’impôt global sur le revenu. De cette thèse tendancieuse, il importe de faire ressortir l’inanité.

Rectifions d’abord la position des termes : ce n’est pas entre les impôts directs et les impôts indirects qu’il y a lieu d’établir le parallèle, — la distinction, empirique et administrative, manque de base scientifique, — mais entre les impôts sur le revenu ou le capital, d’une part, y compris l’enregistrement et le timbre qui frappent les manifestations de la richesse, et, de l’autre, les impôts de consommation. Or, entre ces deux grands groupes fiscaux, il a été plusieurs fois démontré par de savants auteurs, M. A. Liesse et le regretté Pierre Leroy-Beaulieu, qu’avant la guerre il y avait, contrairement à un préjugé très répandu, à peu de chose près, équilibre dans le budget français. Depuis lors, le bloc des impôts sur les consommations a beaucoup grossi. Mais une distinction s’impose ici. Nous ne sommes plus au temps où ces impôts ne frappaient que les denrées de première nécessité, prêtant ainsi à l’accusation d’être progressifs à rebours ; leur champ s’est élargi, ils atteignent nombre de denrées d’utilité secondaire, de jouissance facultative, ils saisissent même le luxe, toutes choses fort différentes au regard de la justice tributaire ; ils ne sont plus par définition des taxes sur les pauvres. Or, les impôts somptuaires ne sauraient, en équité fiscale, être confondus avec les impôts sur les nécessités, ou, d’une façon plus large, avec les impôts qui, frappant les consommations très générales (telles que spiritueux, tabacs, transports, etc.), portent en fait sur la grande masse de la population : les deux catégories fiscales demandent à être nettement séparées. Si donc, sur ces bases correctes, nous tentons la classification logique des ressources créées depuis la guerre, nous trouverons que 29 pour 100 d’entre elles viennent des impôts sur les revenus et capitaux (inclus l’enregistrement et le timbre), 32 des impôts sur les dépenses somptuaires, et 39 des impôts sur les consommations générales[1]. Allons plus loin :

  1. Premier groupe : contributions directes 393 millions, enregistrement et timbre 450 millions, ensemble 843 millions. — Deuxième groupe : taxe sur le luxe 912 millions (soit la différence entre les 1 152 millions escomptés de l’ensemble des taxes nouvelles sur les paiements et les 240 millions auxquels le ministre a évalué le produit des deux taxes de 0,20 pour 100), droits sur les spectacles 10 millions, ensemble 922 millions. — Troisième groupe : douanes (statistique) 7 millions, taxes de vingt centimes sur les paiements et dépenses 240 millions, contributions indirectes (moins les droits sur les spectacles) 801 millions produit net des monopoles 80 millions, ensemble 1 128 millions. — Total général, 2 893 millions. La différence entre ce dernier chiffre et celui de 3 077 millions donné plus haut comme représentant le total du produit des recettes nouvelles s’explique parce que nous n’avons dû tenir compte dans notre présent calcul que du produit net des monopoles, déduction faite de la hausse des frais de régie, ce produit net ayant seul un caractère fiscal. — Nous avons tenu en dehors du calcul les deux impôts exceptionnels de guerre, à raison de leur caractère temporaire. — Notez enfin que nous avons laissé dans la catégorie des impôts de consommation générale bien des impôts qui, à la rigueur, seraient mieux classés parmi les somptuaires : impôts sur les eaux minérales, sur les spécialités pharmaceutiques, sur les tabacs de luxe, sur les vins et liqueurs de luxe, sur les places de luxe dans les chemins de fer, etc.