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n’en est-elle pas dans la guerre, et dans la hausse générale des prix que la guerre a indirectement provoquée ? Quand un achat d’immeuble est chargé de 9 pour 100 d’impôts et frais, est-il bien excessif d’en demander 10 aux achats de luxe, et croit-on vraiment qu’un décime suffira pour nous faire abandonner de nos riches clients extérieurs ? D’ailleurs, que propose-t-on en remplacement ? Un impôt sur le chiffre d’affaires, facile à percevoir, mais dont le commerçant ne manquerait pas de reporter sur le client toute la charge, et plus encore, et dont le poids élèverait non plus seulement le prix du luxe, mais le prix de tout, le prix de la vie.

Loin de nous de dire que la taxe nouvelle sur le luxe est parfaite, et intangible en la forme. Le classement sera sans doute à revoir, le mode de perception à améliorer ; on n’a pas assez tenu compte, dans l’échelle des prix, du renchérissement actuel des articles courants. L’expérience indiquera toutes les retouches nécessaires, une fois la taxe entrée dans les mœurs. Mais ce que nous osons affirmer, c’est que le principe en est juste, et l’application nécessaire.

C’est le sort commun des nouveautés fiscales d’être mal accueillies par les intéressés. L’impôt, pour certains, c’est l’argent des autres, et il n’y a de bons impôts que ceux que paie le voisin. Constatons toutefois qu’ici, par un curieux renversement des rôles, le protestataire n’est pas le public, qui paie la taxe, docilement, c’est le commerce, qui ne la paie pas ; c’est l’ « intermédiaire » qui geint : il abuse ! A vrai dire, quand les consommations générales sont, pour une part, assez largement taxées, on ne comprendrait pas que les dépenses de luxe ne fussent pas surtaxées. La nouvelle taxe joue en quelque sorte vis-à-vis des impôts de consommation le même rôle que le « global » vis-à-vis des « cédulaires : » elle fait fonction de progression. Elle est, selon le goût du jour, un impôt démocratique. L’Angleterre va, dit-on, l’imiter. Elle répond à une nécessité de l’heure, nécessité budgétaire, économique, et sociale : le luxe doit au pays sa large contribution de guerre.