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donc pas sans appréhension qu’on voit ainsi surchargé l’impôt successoral. Moins impopulaire que l’impôt sur le revenu, nous le jugerions volontiers plus nuisible à l’économie nationale. Lequel des deux, poussé à l’excès, risque le plus de détruire le nerf du progrès économique ? On pourrait hésiter. Mais voici qui n’est guère douteux. L’impôt sur le revenu, c’est le revenu qui le supporte, et ce revenu, chacun peut, chacun doit le défendre en restreignant ses dépenses. Au contraire, c’est le capital que saisit fatalement aujourd’hui l’impôt des successions : le risque d’appauvrissement pour le pays est pire ici que là. C’est ce qui fait craindre qu’on ait, dans cette surcharge des héritages, tendu la corde à l’excès, sans parer aux dangers de rupture ; et le malheur est qu’on ne s’apercevra du mal qu’on aura fait que quand la corde aura cassé.


IV

Voilà donc, si l’on peut dire, la mort surimposée : ne pourrait-on pas plus justement taxer la vie, j’entends ces mille opérations financières par où se traduit au jour le jour la vie de chacun de nous ? Il en est qui sont déjà touchées par le fisc ; mais ne pourrait-on pas faire mieux, en frappant d’une façon générale toutes les transactions, les paiements, les dépenses qui font le courant de l’existence économique du pays ? Par l’impôt direct, on atteint la production ; par l’impôt indirect, la consommation ; que ne cherche-t-on à atteindre par un impôt spécial la « circulation ? » Ce serait quelque chose de nouveau, de productif, qui sortirait des vieux cadres de la fiscalité routinière. L’idée était dans l’air ; elle s’est fait jour en Angleterre, en Allemagne ; elle vient de se réaliser, — plus ou moins bien, — en France.

Il y a deux façons de la concevoir : l’une étroite, l’autre large. Dans un cas, le Trésor prélèverait son tant pour cent, — tel le sou du franc, — sur les dépenses des particuliers, sur les achats opérés par eux pour leur consommation, en d’autres termes sur l’emploi qu’ils font de leurs revenus pour leur usage personnel ; les dépenses de première nécessité devraient être exemptées, le luxe en revanche pourrait être surchargé. L’autre hypothèse est plus vaste et plus ambitieuse : on taxerait les transactions en général, soit tous les mouvements de fonds,