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France. Jusqu’au début du siècle, il était resté proportionnel et modéré. Puis, coup sur coup, trois lois de 1901, 1902 et 1910 l’avaient rendu progressif, haussant en dernier lieu ses tarifs jusqu’à l’échelle de 1 à 6 et demi pour 100 en ligne directe au premier degré, et jusqu’à celle de 18 à 20 pour 100 entre parents au-delà du quatrième degré ou entre étrangers : surcharge considérable, que beaucoup jugeaient déjà très excessive et dangereuse ; en tout cas, limite impossible à dépasser. Elle devait l’être pourtant, et deux fois pour une.

La réforme actuelle est double. D’abord les tarifs sont fortement accrus ; l’échelle va maintenant en ligne directe au premier degré de 1 à 12 pour 100 ; au-delà du quatrième degré ou entre étrangers, de 25 à 36. La hausse porte surtout sur la ligne directe, la plus productive pour le fisc, mais socialement la plus digne d’intérêt ; et dans cette ligne directe on a trouvé moyen de faire une ligne ascendante plus chère que la ligne descendante. Le taux moyen des droits, qui était de 6 pour 100, monte à 9,60. Ajoutons que les droits sur les donations ont été accrus en proportion, et qu’en prévision des « fuites, » on a pris de nouvelles mesures contre la fraude. — Mais cela ne suffirait pas. On veut tirer plus encore de l’héritage : à côté et en plus des droits ordinaires, on crée une taxe nouvelle, dite taxe successorale, — progressive, est-il besoin de le dire ? — qui vient frapper avant tout partage l’actif global de la succession quand cette succession est dévolue à moins de quatre enfants, vivants ou représentés. L’échelle en va de 0,25 à 3 pour 100 quand il y a trois enfants, de 0,50 à 6 quand il y en a deux, de 1 à 12 quand il y en a un, de 2 à 24 quand il n’y en a pas. Ainsi fait-on pénétrer dans le droit fiscal des successions une considération nouvelle : la composition de la famille, le nombre d’enfants laissés par le défunt. On devine les motifs, ou les prétextes, par quoi on entend justifier l’innovation : c’est l’intérêt social de la natalité à favoriser, c’est cette pensée de justice qu’à défaut de faveurs fiscales à accorder aux familles nombreuses, il faut au moins rétablir, par une surtaxe frappant les familles restreintes, l’égalité des charges entre les unes et les autres, et compenser aux unes le poids des sacrifices de toutes sortes auxquels les autres ont échappé.

L’idée d’exploiter au profit du fisc la lutte contre la dépopulation, en surchargeant les successions où il n’y a pas ou pas