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taxes surannées et improductives ? Il faut faire du nouveau : quelques grands impôts, simples et larges, l’impôt sur le revenu (nous l’avons depuis hier), l’impôt sur le capital (nous l’aurons demain), enfin les monopoles douaniers, fiscaux, industriels, sans compter les exploitations et participations, toutes les emprises imaginables de l’état sur l’initiative individuelle… Voilà, en bref, le programme socialiste.

De la nouveauté fiscale, — laissons là les monopoles qui sont la question de l’avenir, — c’eût été facile aux temps idylliques où la bonne ville de Zurich subvenait, dit-on, à ses charges grâce aux cotisations volontaires que les citoyens glissaient discrètement dans une cassette fermée. Mais aujourd’hui ! Rien n’est délicat comme de toucher à un système fiscal : on sait d’où on vient, on ignore où on va. Combien de fois n’a-t-on pas vu hausser le taux d’une contribution et baisser ensuite son produit ? Doubler un impôt ne veut pas toujours dire en doubler le rendement, car ici deux et deux ne font pas toujours quatre. Qu’on prenne garde, en créant une taxe nouvelle, que les débuts en seront difficiles, que les frais de perception en restreindront ou peut-être en absorberont le recette, et qu’au prélèvement légal s’ajouteront parfois des charges occultes qui pèseront sur le public sans profit pour le trésor : les plus lourds sacrifices imposés aux contribuables ne sont pas toujours inscrits au budget. Qu’on prenne garde encore que l’incidence de l’impôt nouveau est inconnue. Comment se répercutera-t-il ? Nul ne sait. Ce n’est pas avant longtemps que s’adouciront les frottements du début, que la compensation s’établira, et avec elle l’adaptation au milieu. On a nié et raillé cette assertion d’un maître de la science financière que « l’impôt gagne à être ancien. » Plus il est ancien, a-t-on prétendu, plus il y a chance pour qu’on ait vu changer toute l’ambiance économique pour laquelle il avait été fait. Peut-être : mais plus il y a chance aussi pour que l’incidence en soit fixée, l’équilibre assuré, et la charge effective réduite au minimum.

Quant à la simplicité dans les systèmes tributaires, peut-être plaît-elle aux esprits simplistes, ou aux simples d’esprit, mais elle est de toute évidence impossible dans un monde où tout s’est compliqué, l’impôt comme le reste. On le remarquait ici même, après la guerre de 70[1] : « Ni le science ni la société

  1. H. Baudrillart, Revue du 15 novembre 1871.